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s’est donné la peine de l’écrire. Les fondemens n’en sont pas moins solides parce qu’on a bâti quelque chose dessus. L’Histoire de France de M. Lavisse est toujours au courant des derniers résultats acquis, ce qui n’est pas si simple que se le figurent les profanes, et elle est en beaucoup d’endroits un ouvrage de première main. Par exemple, pour étudier l’histoire économique du règne de Louis XIV, il a été nécessaire, vu l’ancienneté, l’insuffisance ou la rareté des travaux spéciaux, de recourir aux Archives. Ce tableau d’ensemble a été tracé en grande partie à l’aide de documens inédits, et ce n’est pas un cas isolé.

Du reste on se rend compte du mode de travail suivi rien que d’après la bibliographie. Il est facile d’aligner des bibliographies imposantes, indigestes et, pour tout dire, stériles. Ni critique ni érudition ne sont requises pour établir ce qu’on appelle une bibliographie en règle. Cela se recopie, cela se reproduit, cela se repasse de main en main. Il n’est même pas nécessaire d’avoir vu le dos de tous les ouvrages auxquels on se réfère. Il va sans dire qu’on ne trouvera rien de tel ici. M. Lavisse et ses collaborateurs ont résolument rompu avec ces procédés enfantins. Ils ont laissé de côté tout ce qui n’a d’intérêt que pour les bibliomanes. Il n’y a rien pour le trompe-l’œil. Les sources sont indiquées, mais seulement celles qui comptent. « L’histoire ne peut être bien faite, écrit Renan, qu’après que l’érudition a entassé des bibliothèques entières d’essais critiques et de mémoires ; mais quand l’histoire arrive à se dégager, elle ne doit au lecteur que l’indication de la source originale sur laquelle chaque attestation s’appuie. » Le reste est de la fantasmagorie et l’on ne peut que féliciter les auteurs de l’Histoire de M. Lavisse de s’en être abstenus.

Il en est de même de la liste des « ouvrages à consulter. » Ici encore un choix judicieux était nécessaire et a été fait, sans autre préoccupation que l’intérêt bien entendu du lecteur. Souvent un simple article perdu dans un recueil peu répandu ou dans un Bulletin de Société locale est plus utile à signaler que tout le fatras des vieux bouquins de seconde main dont rien ne tient plus debout. Dans un ouvrage d’ensemble il faut se borner à citer ce qu’il y a de meilleur dans l’excellent. Il est loyal de ne pas renvoyer à tout, mais seulement pour chaque point au bon endroit. C’est ce qu’ont voulu faire et ce qu’ont fait M.