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premièrement parce que cela rappelait le catholicisme, mais c’était aussi et surtout parce que tout ce qui était beau leur paraissait répréhensible. Les belles cérémonies durent disparaître pour faire place à des sermons violens et intolérans ; la musique se tut, les statues furent renversées. Les plus belles cathédrales portent les traces des mutilations. La révolution française a moins détruit d’églises que le passage des « Ironsides » de Cromwell, qui écrit : « Je respecte autant que qui que ce soit la maison de Dieu ; mais les vanités, le bric-à-brac ne font pas honneur à Dieu, les idoles ne le servent pas, et les vitres peintes ne rendent pas l’homme plus pieux. » Les catholiques sont partout traités d’idolâtres, et les choses les plus diverses, les coutumes les plus innocentes sont suspectes de catholicisme, surtout quand on y prend plaisir. C’est ainsi qu’un mets national, toujours servi à Noël depuis des siècles, encourt la condamnation des puritains. On ne voit pas bien en quoi la papauté se trouverait mêlée aux « mince-pies ; » toujours est-il que ce plat, prescrit par la tradition et fort goûté du peuple, fut considéré avec méfiance par ces rigoristes et interdit par eux, précisément parce qu’il plaisait. Ce qui frappe davantage pourtant, c’est de trouver quelque chose d’analogue presque de nos jours. Le littérateur contemporain Edmund Gosse raconte que son père, descendant d’une famille de huguenots exilés lors de la Révocation de l’Edit de Nantes, se refusait à observer les fêtes de l’Eglise, surtout celle de Noël, et s’indignait tout particulièrement contre le traditionnel « Christmas pudding. » Un hiver, les domestiques osèrent cependant en faire un, dont ils donnèrent un peu à l’enfant. Celui-ci, de santé délicate, ne put digérer un mets si lourd. Il éprouva bientôt de fortes douleurs, et s’élançant dans le cabinet de travail de son père, il s’écria : « Papa, papa, j’ai mangé de la chair offerte aux idoles. — Où est cet objet maudit ? » demande le père. Il suit son fils à la cuisine, s’empare du corps du délit, et va solennellement l’ensevelir dans la caisse à balayures !

On s’étonne de voir pareille folie en plein XIXe siècle ; au XVIIe, de telles choses ne constituent pas une anomalie chez des gens qui ont tous plus ou moins la mentalité d’un Bunyan et d’un Knox. Ce dernier, quoique Ecossais, s’est trouvé considérablement mêlé par son rôle politique aux destinées de l’Angleterre. La reine Elisabeth, protestante par nécessité politique