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aux joueurs de boules, leur reprochant « ce vain passe-temps, » et il fait tout un petit traité à leur intention : « Voici la parole de Dieu pour vous tous, gens à l’esprit vide et paresseux, qui aimez les sports, les plaisirs, les vains exercices, et les récréations, comme vous les appelez… Etait-ce là le but de votre création ?… Les vains plaisirs du monde, tels que le jeu de boules, l’ivrognerie, la chasse, la fauconnerie, et autres divertissemens de ce genre… Et puisqu’on vous trouve vivant dans les plaisirs, vous êtes déjà morts pendant que vous vivez… Repentez-vous ! » Et la même année, 1650, il adresse une lettre à « ceux qui s’adonnent aux plaisirs et à la débauche, les menaçant du sort des villes de Sodome et Gomorrhe ! Un autre s’écrie : « Là où nous voyons les chiens et les faucons, les cartes et les dés, nous pouvons conclure qu’il y a une âme malade dans la famille ; » et Christopher Feake parle de l’apostasie de ceux qui ont « plus d’amour pour les plaisirs : la chasse, les festins, la musique, les vanités et les divertissemens du monde, que d’amour de Dieu. » Seules les lectures pieuses sont permises : le prédicateur Hugh Peters exhorte sa fille à ne jamais lire que certaines œuvres « édifiantes » qui sont de nature à plonger le malheureux lecteur dans le désespoir, il ne manque pas de lui recommander que ses récréations soient « permises, courtes et rares. » Les voyages mêmes sont considérés comme dangereux. Cromwell écrit : « Nous envoyons nos enfans en France avant qu’ils aient appris à connaître Dieu et les bonnes mœurs, et ils nous en reviennent avec tout le dérèglement de cette nation. » L’évêque Hall fait tout un ouvrage contre les voyages, mettant sur le compte de l’influence de l’étranger, et surtout de l’Italie, tout ce qui lui déplaît chez ses compatriotes.

Parmi les choses que Prynne condamne à l’égal des théâtres, il en est de curieuses, par exemple les étrennes du Jour de l’An et les tableaux dans les églises. Dans son procès, un de ses juges dit de lui qu’il soupire lorsqu’il entend de la musique, et s’évanouit au signe de la croix, et qu’il n’a pourtant pas honte de mentir, de se parjurer et de trahir son Roi. La vue d’un surplis lui fait mal, ainsi qu’à bien d’autres, car cette question des vêtemens liturgiques a fait couler beaucoup d’encre et a suscité de violentes polémiques. L’évêque Hooper refusa le premier de porter les habits sacerdotaux, et Fox fut véhément dans ses dénonciations du « costume théâtral. » C’était