Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/807

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA FILLE DU CIEL. 801 la détresse suprême... Et vous ferez ce que des millions de sujets vous demandent, par la bouche de ces quelques braves qui vont mourir. Le veilleur, criant du haut du donjon. — Il se jette contre leur avant-garde, l’homme qui était ici tout à l’heure, le mes- sager de grâce... Avec les trois autres qui l’accompagnaient, il se jette contre leur avant-garde, comme pour les arrêter!... Oui,... il veut les arrêter, c’est bien cela. Et il semble com- mander en maître, et semer parmi eux l’épouvante... L’Lmpéhatrice, au veilleur. — Bien!... Qu’on ne me parle plus de cet homme. . . Et toi, tu pourras bientôt descendre, pauvre veilleur dont la tâche est finie, et te joindre à tes frères d’armes pour mourir. Que nous importe à présent ce qu’ils font, les Tar- tares?... Nous ne sommes déjà plus de ce monde... (A Prince- Fidèle.) Mais encore faut-il que ce soit possible, ce que vous demandez!... De toutes parts investis!... Fuir par où, fuir comment?... Où se cacher? Où? (Les soldats qui ont descellé le rochei’ sont restés devant la porte do bronze, tenant toujours les pioches et les leviers, et ils ont laiv d’attendre.) Prince-Fidèle. — Là, dans ce tombeau!... Et, sur le ciment tout préparé qui scellera les roches, nous jetterons de la pous- sière... quand vous serez entrée... L’Impératrice, après un silence, lentement.^ soumise et morne. — Dans mon tombeau, murée vivante... Soit! Et après? Prince-Fidèle. — Il y a ce couloir souterrain qui passe par les caveaux où dorment votre père et votre époux; vous le savez comme moi, il va déboucher parmi les broussailles, dans la campagne, au pied de la colline des Supplices... L’Impératrice, très vite et haletant. — S’il n’est pas obstrué déjà par la terre, oui!... Et, tout autour de la colline des Sup- plices, les ïartares sont campés. Prince-Fidèle. — Nous attendrons qu’ils n’y soient plus... L’Impératrice. — Et de l’air pour nos poitrines, de l’air dans ces caveaux des morts, en trouverons-nous? Prince-Fidèle. — Je le crois, oui... Mais emportons tou- jours ce breuvage, que tout à l’heure vous vouliez boire. L’Impératrice, toujours très vite. — Et s’ils nous prennent là, les Tartares, s’ils nous prennent comme des bêtes de nuit for- cées dans leur terrier?... Rappelez-vous, ils avaient violé la tombe de mon aïeul... TOME II. — 1911. 51