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proportionnalistes, eux non plus, « sur les modalités et les détails, » ne se montreront pas irréductibles.

« Ils ne seront intransigeans que sur un point : à savoir que la loi établisse vraiment la représentation proportionnelle. »

Les positions étant ainsi définies, et par la déclaration du gouvernement et par la nôtre, le chemin était tout tracé ; nous nous y engageâmes dès que le projet de loi fut déposé et la Commission constituée. (Je rappelle, en passant, que cette Commission de 44 membres fut élue suivant les règles de la représentation proportionnelle, et composée, par conséquent, de 25 membres favorables et de 19 membres hostiles à la réforme.) Comme le gouvernement avait déclaré qu’il n’apporterait aucun esprit d’intransigeance dans la discussion des modalités, nous acceptâmes premièrement de prendre pour base son projet de loi ; et comme nous avions nous-mêmes déclaré que nous ne serions irréductibles que sur un point, une représentation vraiment proportionnelle, nous imprimâmes tout de suite au projet ce caractère, en supprimant les mots « des minorités. » Une fois replacés par là, sana équivoque et sans ambages, dans la thèse proportionnaliste, nous fûmes en situation de traiter.

L’audition officielle de M. Briand ne donna que peu de résultats. Pourquoi le tairais-je ? L’impression fut mauvaise. Le ton de badinage, sinon de persiflage, que le président du Conseil affecta, son insistance ironique à répéter que son enfant (le projet de loi) n’était pas joli, joli, mais que c’était déjà très beau d’en avoir fait un, et à exprimer l’espoir que, lasse de travailler sans aboutir, épuisée d’un stérile effort, divisée sur les systèmes, rebutée par les difficultés ou les inconvéniens de chacun d’eux, la majorité proportionnaliste de la Commission finirait bien par adopter cet enfant qu’elle repoussait à première vue comme bossu et bancal, mais sans en avoir un à elle ; ces façons irritèrent ou blessèrent les uns, firent rire les autres dans leur barbe : tout le monde, partisans et adversaires, crut comprendre que le gouvernement ne songeait qu’à se délivrer de ce cauchemar, la réforme électorale, sous la forme, tout au moins de la représentation proportionnelle. Cette impression fut la mienne si vivement que, rencontrant M. Briand, à la sortie, je ne pus m’empêcher de lui dire : « C’est la guerre ! Vous l’avez voulue ; vous allez l’avoir ! » Mais, alors, il me rejoignit,