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pose. » Ce langage-là n’est pas celui d’un simple fonctionnaire qui s’acquitte correctement de son devoir professionnel. Mérimée a fait sienne la cause des monumens menacés, et la plaide avec une furieuse passion.

Le génie militaire a toujours été la « bête noire » des amis des vieux monumens. Mérimée aurait souhaité lui arracher tous les édifices qu’on lui avait remis imprudemment dans les premières années du xixe siècle : donjons, palais et monastères. Mais, sur ce terrain-là, il fut presque toujours battu. Il avait beau dans ses rapports au ministre développer les argumens les plus convaincans et les plus spirituels. Ces jours-là, personne ne l’écoutait. Il aurait voulu qu’au moins l’aménagement des édifices occupés par des militaires fut confié à des architectes des monumens historiques. « D’où vient, écrivait-il, que des officiers exercent les fonctions d’architectes ? Toute l’Europe a pu apprécier le savoir comme le courage de nos officiers du génie ; toutes nos provinces attestent qu’ils s’entendent beaucoup mieux à renverser des forteresses qu’à conserver des monumens. Encore si, mettant de côté toute considération d’art, on faisait d’un couvent un fort ou une caserne, avec le but avoué d’en faire disparaître la destination primitive ; mais non, le ministère de la Guerre proteste de son intention de conserver les vestiges qui intéressent les arts… À qui persuadera-t-on qu’un militaire qui sait bâtir et renverser des bastions, ait appris dans ses campagnes à restaurer une église ? » Sur ce dernier point, à la longue, Mérimée a plus ou moins obtenu gain de cause ; mais il a fallu attendre jusqu’au xxe siècle pour que le Palais des Papes cessât d’être une caserne, et le donjon de Vincennes est encore un magasin de harnachemens militaires.

Sauver les monumens était l’essentiel. Mérimée s’y est employé avec une inlassable ténacité. Mais qu’allait-on faire de ces reliques du passé ? Où et comment seraient conservées les épaves ? De quelle manière seraient restaurées les architectures ? À ces questions, Mérimée a donné des réponses incertaines et contradictoires.

Il se faisait une idée très juste de l’utilité des musées de province. Après avoir visité l’admirable musée Galvet, il souhaitait que toutes les villes de France imitassent l’exemple d’Avignon et offrissent un asile aux fragmens d’architecture ou de sculp-