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il ne pouvait pas se dérober à des instances dont il comprenait l’intérêt pour son pays, mais il était las de lutter contre des intrigues toujours renouvelées et il a posé ses conditions, afin d’être le maître, au moins pendant quelque temps. Ses conditions ont été acceptées. Le général Trepoffet M. Dournovo, qui avaient mené la campagne contre lui au sein du Conseil de l’Empire, ont été mis en congé jusqu’au moment où ils doivent y être réélus, et c’est une question de savoir s’ils le seront. En tout cas, il est manifeste qu’une volonté supérieure s’applique à faciliter la tâche de M. Stolypine. Du côté de la Douma, il a pris lui-même une mesure qui a provoqué de vives protestations : il a mis l’Assemblée en congé pour trois jours avec l’intention d’en profiter pour promulguer la loi sur les zemstvos, comme la Constitution l’y autorise, pendant les vacances parlementaires. Mais la même Constitution l’oblige à soumettre la loi à la Chambre dans les deux mois qui suivront la reprise de ses travaux, et les octobristes, irrités de l’espèce de coup d’État du premier ministre, annoncent qu’ils la repousseront alors. Leur irritation se comprend d’autant mieux qu’ils avaient fait des manifestations en faveur de M. Stolypine et avaient couvert de signatures une proposition qui avait pour objet de reprendre la loi repoussée par le Conseil de l’Empire et de la soumettre de nouveau à la Douma. Le président de l’Assemblée a donné sa démission ; d’autres pourraient suivre. Toutefois, les premières impressions s’atténueront peut-être lorsque M. Stolypine se sera expliqué : il semble même que l’apaisement commence à se produire. Nous ignorons pour quels motifs M. Stolypine a jugé indispensable la procédure qu’il a suivie, mais on ne saurait oublier qu’il s’est toujours montré partisan du maintien de la Douma et que, si ce maintien a eu lieu, on le lui doit en partie. Il est vrai qu’il n’a pas hésité à dissoudre deux assemblées de suite, jusqu’au moment où il en a eu une avec laquelle la vie commune lui a paru possible, et il n’hésiterait probablement pas à recommencer s’il y avait lieu. Il faut espérer que les choses ne prendront pas une tournure aussi sérieuse, sinon tout serait remis en question.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.