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que les bénéfices agricoles ne le seraient pas ; l’autre a émis l’avis que les impôts nouveaux devraient être établis sur des signes extérieurs. Les choses en étaient là lorsque le nouveau ministère s’est formé. On attendait avec impatience sa première confrontation avec la Commission. Elle a eu lieu, et M. Caillaux, qu’on avait présenté comme converti à des idées plus sages, a présenté aussitôt comme intangibles les cinq points suivans : 1° Imposition de tous les revenus sans exception ; 2° Institution d’un impôt complémentaire sur l’ensemble du revenu ; 3° Discrimination (cela veut dire plus simplement distinction) des revenus du capital et du travail ; 4° Certains dégrèvemens à la base pour les contribuables ne possédant qu’un minimum de revenu ou ayant des charges de famille ; 5° Introduction du système de la progressivité. De ces cinq points, il en est deux que tout le monde accepte, le troisième et le quatrième : mais les autres soulèvent des protestations très expresses. On obtiendra difficilement des Chambres qu’elles votent l’imposition de tous les revenus sans exception, car celui qui frapperait les bénéfices agricoles ne rapporterait presque rien et serait extrêmement impopulaire dans les campagnes. Il y a aussi la grosse et délicate question de l’impôt sur la rente. Quant au principe de la progressivité, on ne saurait en exagérer le danger dans une démocratie sans contrepoids comme la nôtre. Mais le pire de tout est l’impôt complémentaire et progressif sur l’ensemble du revenu. Cet impôt, qui s’explique mal dans un système où tous les revenus sont déjà taxés, ne peut avoir qu’un objet qui est d’atteindre particulièrement ce qu’on appelle les riches au moyen d’un instrument de pression fiscale que la progressivité rend arbitraire : or comme les riches, les vrais riches sont rares en France, l’instrument s’appliquera bientôt, à la fortune moyenne. La sous-commission a néanmoins, accepté l’impôt complémentaire, et nous nous y résignerions à notre tour s’il présentait trois conditions dont la première serait d’être très modéré comme l’est aujourd’hui l’impôt personnel mobilier, la seconde de n’être pas progressif, et la troisième enfin d’être établi sur les signes extérieurs de la richesse. L’importance de ce dernier point est manifeste : aussi un membre de la Commission a-t-il demandé à M. Caillaux ce qu’il en pensait. La réponse de M. le ministre des Finances a été évasive et peut-être même quelque chose de plus ; il s’est contenté de dire que la sous-commission du Sénat s’étant seule prononcée jusqu’ici, il attendrait, pour faire connaître son opinion, de connaître lui-même celle de la Commission plénière. Ou cela ne signifie rien, ou il est