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mais ce n’est pas celle qui nous intéresse le plus en ce moment. Il semble au contraire que ce soit à celle-là seule que tienne l’Action : s’il en est vraiment ainsi, ce journal n’a rien compris aux véritables motifs pour lesquels l’attention du pays s’est portée sur M. Briand avec tant de sympathie. Que deviendra sa méthode de gouvernement, voilà ce qu’il s’agit de savoir : quant à ses projets de loi, nous en laissons le souci au journal l’Action.

Nous avons dit que la Chambre avait déjà voté un de ces projets de loi, celui qui se rapporte à la rétroactivité de la retraite des cheminots, projet qui n’est autre chose que la violation des contrats passés entre l’État et les Compagnies de chemins de fer. On cherche à justifier cette violation en disant qu’elle n’est pas la première : il y en a eu d’autres en effet, mais cette dernière dépasse les précédentes, et ces violations successives, en s’ajoutant les unes aux autres, forment au total une véritable spoliation. En vain les orateurs les plus divers ont-ils pris la parole, les uns pour combattre directement le projet, comme M. Paul Beauregard et M. Sibille, d’autres pour demander qu’on accordât des compensations aux Compagnies, comme M. Théodore Reinach et M. Jules Roche ; rien n’y a fait ; le ministre des Travaux publics, M. Dumont, et le ministre des Finances, M. Caillaux, ont entraîné la Chambre qui leur a donné une majorité écrasante. Quand on pense que les actions et les obligations des chemins de fer sont entre deux millions de mains, sinon davantage, on est surpris que la Chambre ne comprenne pas qu’à l’iniquité qu’elle commet s’ajoute une faute politique peut-être très lourde. Le pays a tout supporté jusqu’ici, même ce qu’il n’approuvait pas, parce que ses intérêts matériels n’étaient pas atteints ; qu’arrivera-t-il le jour où ils le seront ? Les obligations et surtout les actions des chemins de fer ont déjà baissé dans des proportions ruineuses. À cette constatation M. le ministre des Finances a répondu qu’il y avait là une campagne de mauvaise foi, comme celle qu’on a faite, il y a quelques années, contre les Caisses d’épargne : il sait bien qu’il n’en est rien et que le mal, aujourd’hui, est autrement réel et profond. Aussi l’inquiétude des esprits est-elle autrement vive.

Et l’impôt sur le revenu ? Le projet a été voté par la dernière Chambre ; il est aujourd’hui devant le Sénat qui l’étudié à son tour et semble disposé à le modifier beaucoup. Sa Commission, après en avoir accepté le principe, s’est partagée en deux sous-commissions qui s’y appliquent à des points de vue divers : l’une a déjà porté atteinte à la règle que tous les revenus sans exception seront taxés, en décidant