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Le langage que M. Briand avait tenu à la Chambre, on lui doit cette justice de reconnaître qu’il le tint à ses électeurs, en leur demandant leurs suffrages : « Le scrutin d’arrondissement est devenu trop étroit pour contenir les aspirations du pays et permettre les réformes d’ordre administratif et judiciaire indispensables à la prospérité et à la grandeur de la France. Il est de toute nécessité que la Chambre prochaine réalise cette réforme, et qu’elle s’assoie (ou : l’assoie) sur de larges bases. C’est au parti républicain, qui a la garde et la responsabilité du régime, qu’il importe, après la consultation du pays, de se saisir lui-même d’un problème qui touche de si près aux destinées de la République. Mais il faut se garder de tout empirisme et se défier des paroles tranchantes et décisives qu’on promène à travers le pays comme le remède infaillible à tous les maux, remède qui doit, dès le lendemain de son application, renouveler la société. » Le couplet ordinaire sur « le bloc enfariné qui ne dit rien qui vaille » (et c’était nous, sans nulle vanité ! ) n’était même pas omis, non plus que l’ouverture, pour demain ou après-demain, d’une perspective immense, où se perdait le pauvre petit point de la représentation proportionnelle : « La chose essentielle, à mon avis, c’est d’élargir le scrutin. Au besoin, il conviendrait même de ne pas s’arrêter aux limites de certains départemens trop étroits. En un mot, il faut l’établir en vue d’une réforme administrative correspondante. » (Discours de Saint-Chamond, 10 avril 1910.)

Le pays, consulté, fit entendre qu’il sentait ce qu’il y avait de sain dans l’idée de la représentation proportionnelle ; qu’il était las d’être traîné dans la vase des « mares stagnantes ; » qu’il attendait et qu’il appelait le « grand courant purificateur. » Il le fit comprendre clairement, le cria aussi haut et aussi fort qu’il le pouvait, par 4 442 000 voix. C’est le chiffre même du gouvernement. La statistique, dressée par lui et communiquée aux journaux, annonça 272 députés partisans de la représentation proportionnelle et 88 partisans d’une réforme électorale moins franchement déterminée, contre 35 partisans, seulement, du statu quo, 33 partisans de la péréquation des circonscriptions au scrutin uninominal, et 64 partisans du scrutin de liste pur et simple. 94 candidats élus avaient fait mine de ne pas savoir que la question était posée. Nos chiffres, à nous, diffèrent un peu. D’abord plus forts, puisque nous arrivions à près de 5 millions de suffrages, l’examen minutieux des professions de foi