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tude. Mais il parlait devant le Sénat d’alors et non pas devant la Chambre actuelle, ce qui fait une différence.

L’incident a eu des conséquences d’autant plus regrettables qu’elles semblent devoir être durables : il en est résulté, parmi les progressistes, des divisions qui, après la séance, se sont accentuées au lieu de s’atténuer. Leur groupe, dont le contingent est déjà si faible, s’est coupé en deux, une de ses fractions ayant jugé à propos de dessiner un mouvement vers la Gauche. L’occasion était singulièrement choisie pour un pareil geste au moment où les socialistes unifiés, sinon en totalité, au moins en partie, venaient d’en faire un du même genre et de voter avec quelque éclat pour M. Monis. Le lendemain de la constitution du ministère, ou plutôt la veille, car il n’a pas attendu sa constitution pour cela, M. Jaurès a crié victoire, comme si les beaux jours de M. Combes et du Bloc étaient revenus ; il a affiché un ministérialisme dont il a fallu calmer les effusions compromettantes. M. Monis en était gêné. M. Jaurès a compris qu’il était allé un peu trop vite ; il a mis une sourdine à son enthousiasme ; il a attendu son heure, et il a cru qu’elle avait sonné le jour de la discussion sur l’affaire Malvy ; il a voté alors pour le ministère, entraînant avec lui le plus grand nombre possible de ses amis. Nous ne savons pas ce que pense M. Monis de sa majorité. Est-ce bien celle qu’il avait annoncée dans sa déclaration ministérielle, comme devant aller depuis ceux qui ont la haine de nos institutions à droite jusqu’à ceux qui rêvent de violence à gauche ? Les premiers et les seconds en étaient également exclus ; or, dès le premier vote significatif, tout un lot de socialistes unifiés y entre bannière déployée. Que faut-il en conclure, sinon que M. Jaurès n’a nullement renoncé aux espérances que lui avait inspirées la démission de M. Briand. Pour lui comme pour beaucoup d’autres parmi ses amis, comme pour beaucoup d’autres parmi les radicaux plus ou moins teintés de socialisme, le ministère Briand n’a été qu’un épisode, un intermède dans l’histoire de la troisième République. La marche normale, ou qu’ils croient telle, a été un moment suspendue ou ralentie, mais elle reprend son cours ; le Bloc se reforme, reprenant toutes ses prétentions et ses habitudes d’autrefois ; la politique d’arrondissement, avec ses petitesses, ses exigences, ses appétits, recommence à la grande satisfaction d’une portion notable du monde politique, mais, sans doute, à la grande déception du pays qui, au moment des élections dernières, avait indiqué d’autres vues. Deux politiques sont en présence, celle d’hier et celle d’avant-hier qui aspire à devenir