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souvenir donné aux cultes qu’on ne reconnaît plus en créant des sous-secrétariats d’État in partibus infidelium. Pourquoi ne s’y est-on pas arrêté ? Pendant quelques jours, M. Malvy et son sous-secrétariat d’État ont ressemblé à ces âmes en peine que la sombre imagination de Dante emporte dans un tourbillon éternel : elles ne peuvent se poser et se reposer nulle part. Un autre qu’un radical aurait eu un sursaut de dignité et aurait abandonné la partie : mais M. Malvy a tenu bon. Alors on s’est rappelé qu’il avait été quelquefois question de transporter le service pénitentiaire du ministère de l’Intérieur à celui de la Justice et on a pensé que le moment était venu d’opérer cette réforme. Nous ne dirons rien de la mesure en elle-même ; de bons esprits l’approuvent, d’autres la critiquent ; en tout cas, il semble certain qu’elle ne pouvait être réalisée que par une loi. On s’est passé d’une loi, on a fait un simple décret. Si on voulait transporter les services pénitentiaires d’un ministère à un autre, il fallait commencer par démontrer aux Chambres l’utilité du changement et obtenir leur autorisation de le faire. Mais, même alors, à quoi bon un sous-secrétaire d’État ? Un directeur suffisait ; pourquoi ne pas s’en contenter ? La vérité saute aux yeux : la réforme administrative n’est qu’un prétexte ; le fond de l’affaire est qu’après avoir donné un titre à M. Malvy, il fallait lui donner une fonction et un traitement. Le contribuable est là pour payer.

Une demande de crédit entraîne nécessairement une discussion, qui pouvait, sinon mal tourner pour le ministère, au moins lui causer quelques soucis : il est toujours désagréable d’être pris en flagrant délit de favoritisme et d’arbitraire. Aussi le ministère et ses amis ont-ils compris la nécessité d’opérer une de ces diversions auxquelles les assemblées impressionnables se laissent facilement entraîner et de provoquer un de ces tumultes au milieu desquels on cesse de s’entendre et même de rien entendre. Un des membres à coup sûr les plus distingués de la Chambre, M. Jules Roche, avait dit à la Commission du budget qu’à son sens, la mesure dont le gouvernement avait pris l’initiative et la responsabilité était légale. C’est une opinion personnelle ; quelque autorité que lui donne la personne de M. Jules Roche, nous la croyons contestable ; en tout cas, sa manifestation publique était inopportune : le gouvernement, en effet, s’en est emparé pour diviser ses adversaires du Centre et jeter parmi eux le désarroi. M. Monis, qui aurait été fort en peine s’il avait dû combattre sur le terrain juridique les argumens qui lui avaient été opposés, s’est bien gardé de le tenter. « Le gouvernement, a-t-il dit,