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Depuis plusieurs années déjà, l’Oiseau bleu était connu et goûté des lettrés. Dans toute l’œuvre de M. Maeterlinck, il n’y a rien de plus charmant. C’est un rêve, comme vous savez. Deux enfans, Tyltyl et Mytyl, rêvent que, guidés par la Lumière, ils partent à la recherche de l’Oiseau bleu. Puis, l’ayant cherché à travers toutes, sortes de pays et d’aventures, ils reviennent sans l’avoir trouvé. Ainsi les hommes, dans leur vaine poursuite du bonheur. Ceci n’est pas un conte de fées. Il n’y a rien de moins symbolique que les contes de fées. Mais le souvenir s’en retrouve ici partout. Les choses dont l’âme prend une forme visible, les bêtes qui parlent un langage assorti à leur caractère, les arbres dont chacun a un murmure qui lui est propre, les personnages allégoriques qui ressemblent à ceux de nos vieilles Moralités, le Bonheur-de-ne-rien-comprendre, et le Plaisir d’être insupportable, tout cela forme un ensemble infiniment gracieux. Il y a un mélange de candeur et de préciosité tout à fait savoureux. Et pour faire de cette « féerie philosophique » l’œuvre d’un poète, il suffisait d’un tableau, celui qui ouvre devant nous le pays du Souvenir. Ceux qui ne sont plus et qui dorment là-bas, s’éveillent et reprennent vie, dès que l’un de nous pense à eux. Voilà une trouvaille de sensibilité vraie et pieuse.

L’Oiseau bleu avait, je crois bien, déjà fait son tour d’Europe. En Angleterre, en Russie, on l’a joué avec grand succès. Je doute pourtant qu’on ait pu le présenter avec plus de goût que vient de le faire Mme Réjane. Décors, costumes, jeux de lumière, c’est un ensemble, une harmonie vraiment exquise. Spectacle délicieux qui fait rire les petits et rêver les grands. Le rôle de Tyltyl est très bien joué par Delphin qui a vingt-cinq ans et en paraît dix, celui de Mytyl par la petite Odette Carlia, une de ces gamines qui ont un toupet d’enfer. Tous les autres interprètes sont excellens.

Le Théâtre des Arts, sous l’intelligente direction de M. Rouché, a entrepris de réformer l’art de la mise en scène. L’idée lui est venue du Deutscher Theater de Berlin, autant que des ballets russes de ces dernières saisons. On s’est aperçu que le luxe matériel de la mise en scène, quand elle est confiée à des décorateurs professionnels, et le souci exagéré de la réalité dans l’imitation finissaient par nuire à l’impression et bornaient l’imagination au lieu de lui venir en aide. Enfin, on s’est souvenu qu’un décor est une œuvre peinte, et qu’elle n’a qu’à gagner à être conçue par un peintre. Puisque les grands artistes d’autrefois ne dédaignaient pas de mettre la main à des œuvres de ce genre, on a cru que ceux d’aujourd’hui n’échoueraient