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Mme Saillard. Que vient-il gémir sur son déshonneur et parler, ce cocu triste, d’une honte qui rejaillit sur lui ? Les fautes sont individuelles.

Portal a un fils, Georges. Il a été pour lui un bon père, — à sa manière, — sans intimité et sans tendresse. Comment lui aurait-il inspiré le goût de l’intérieur familial, de ce que les autres enfans appellent de ce nom charmant : « la maison ? » Il est l’homme des réunions publiques, du forum et de la rue. Comme principes d’éducation, il lui a administré les bonimens qui composent son programme social et politique. Le résultat a été de faire de ce garçon un parfait anarchiste… Et le président du Conseil a pris ce jeune anarchiste pour chef de cabinet.

N’oublions pas l’ami du grand homme, le sympathique Bourdelot. Ancien camarade d’École, compagnon de brasserie et partenaire de palabres, tandis que Portal se poussait dans le monde, il restait, lui, l’homme des interminables discussions entre deux bocks. C’est le bohème dans une société où Giboyer est devenu un personnage. Car Bourdelot, journaliste à la manière d’Arthur Ranc, est un personnage avec lequel il faut compter. Il n’est pas seulement le séide de Portal : il le suit, mais comme un surveillant attaché à ses pas. Théoricien sans merci, il ne lui permet pas de s’écarter de la pure doctrine. Il est sa conscience, si j’ose m’exprimer ainsi… Et mentionnons encore le bijoutier Claudel, un honorable négociant, fourvoyé dans la galère politicienne, et qui aperçoit je ne sais quel lien entre le triomphe du socialisme et la prospérité des commerces de luxe. C’est le gogo du parti. — Voilà le milieu et les personnages. C’est merveille que, dans le peu d’espace et de temps dont il disposait, l’auteur ait su, par des indications forcément brèves et un peu sommaires, mais d’une justesse et d’une précision remarquables, leur prêter cette solidité et ce relief.

D’où va naître le drame ? Or nous apprenons que Portal est sur la piste d’une affaire de corruption parlementaire qui va définitivement noyer dans la boue la république bourgeoise, ouvrir toutes grandes les écluses à la Révolution, et changer le Tribun en Dictateur. Un industriel, Moreau-Janville, et son âme damnée Mayence ont acheté des députés et aussi des sénateurs. Le carnet contenant les talons des chèques doit être quelque part, et Portal a comme un pressentiment qu’il mettra la main dessus. C’est de la politique, et on s’en aperçoit tout de suite… D’un autre côté on porte à notre connaissance certains incidens d’ordre privé : un collier de 150 000 francs a été volé au bijoutier Claudel ; ce bijoutier a reçu par la poste cent billets de