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certains réveils américains ou slaves, elle doit les éviter avec le plus grand soin.

Ceci nous amène à la question : quel est l’avenir de l’Armée du Salut ? L’Armée du Salut est la création d’un seul homme, secondé par une femme supérieure. Celle-ci est morte il y a vingt ans ; le général Booth en a quatre-vingt-trois. Son œuvre lui survivra-t-elle et continuera-t-elle à entretenir ce réveil de la foi ? Ou bien dépérira-t-elle et dégénérera-t-elle, comme tant d’autres, en une secte mi-socialiste, mi-illuministe ?

À cela, je répondrai d’abord que le général Booth est encore très vert ; je l’ai entendu, le 19 mai 1910 à Clapton, parler le jour même des funérailles d’Édouard VII devant un auditoire de plus de 2 000 personnes, et cela, malgré ses quatre-vingt-deux ans et des yeux bien malades, avec une vigueur et un accent de conviction extraordinaires.

D’ailleurs, lui-même a envisagé l’avenir de son œuvre après lui. Il en écrivait en 1908 : « Si l’on vous pose la question : Qu’adviendra-t-il de l’Armée du Salut, après que vous et vos enfans aurez passé dans l’autre monde, répondez : L’armée demeurera, car la volonté de Dieu à son égard demeurera toujours. Sa discipline, qui est le lien entre ses membres, demeurera toujours. L’esprit brûlant d’amour pour le salut des âmes demeurera toujours. Les centaines de milliers d’hommes et de femmes de toutes classes, unis par le plus fort des liens, demeureront. Oui, je sens que cet esprit est avec moi, il vit dans mon cœur, il est dans l’œuvre que j’accomplis, il inspirera mes paroles, il me suscitera des amis, il me fournira l’argent dont j’ai besoin. Il me rendra plus que vainqueur dans la vie, dans la mort et pour l’éternité. »

Voilà certes un bel optimisme. Eh bien ! après un examen sérieux de l’Armée du Salut, de ses principes, de son organisation et de sa vie religieuses, j’incline à partager la confiance du général Booth. Mon premier motif, c’est que cette œuvre de relèvement moral et de rééducation sociale répond à des besoins urgens de nos sociétés démocratiques, témoin ses derniers succès au Japon et le chiffre de près d’un million de ses adhérens. En deuxième lieu, cette société est le produit de deux facteurs puissans, la foi robuste et agissante des Anglo-Saxons et la centralisation, la forte discipline, empruntée au génie latin. Le fait est que cette foi intense, jointe au talent des affaires, a