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agricoles. Il commença par créer, dans les grandes villes, des shelters ou hôtelleries et des dépôts d’alimens à bon marché. Peu à peu, à l’aide de leçons de morale brève, on fait prendre à ces chemineaux le goût du travail et on leur rend la joie de vivre de la vie normale. Quant au service religieux, prières cl chants, il est facultatif.

Le général Booth a établi à Londres un bureau de travail qui, en cas de besoin, essaie d’employer ces forces perdues ; pour eux, il a organisé un vaste atelier de saveterie, où l’on répare les chaussures de ses hôtes et où on utilise celles que des bourgeois jettent comme usées. Il y a actuellement en Angleterre plusieurs milliers d’abris ou hôtelleries ; 58 bureaux du travail et 105 dépôts d’alimens. Cela fait, et pour ceux qui n’auraient pas trouvé d’emploi à Londres, on a installé à la campagne 17 fermes isolées de tout cabaret, où on pratique la culture intensive. La plus importante se trouve à Hadley (Essex), à 39 kilomètres de Londres, sur les bords de la Tamise. Là, le général Booth a acheté en 1900 environ douze cents hectares d’assez mauvaise terre, qu’il a fait défricher et préparer par des cultivateurs. La plus grande partie a été emblavée avec des céréales ordinaires, betteraves, etc. la seconde est affectée à la culture maraîchère ; une troisième est mise en prés et le reste, — 40 hectares et demi, — est aménagé en vergers, où on a planté 14 000 arbres frutiers. Dans la basse-cour, on élève 2 800 têtes de volailles. A la ferme, sont annexés : une briqueterie, qui travaille pour l’usage de l’Armée du Salut et des environs, une école pouvant recevoir une centaine d’élèves, une « citadelle » ou salle de culte et un hôpital d’ivrognes.

La discipline morale a été si bien observée que, depuis dix ans, pas un cas d’ivrognerie ne s’est produit parmi les ouvriers de la ferme de Hadley. On y reçoit des hommes de trois catégories : 1° les pupilles de l’Armée, c’est-à-dire des ouvriers de choix recrutés dans différentes villes ; 2° les pupilles de l’Assistance publique, de vingt-cinq à quarante ans, choisis dans les dépôts par les officiers salutistes ; 3° des personnes de condition spéciale, placées par leurs familles ou par des sociétés philanthropiques : ces derniers sont en général des êtres débiles et peu satisfaisans. Au bout de six semaines environ, les ouvriers, dont beaucoup sont des libérés, sont transformés ; de maigres et débiles, ils sont devenus gros et robustes ; de fainéans, ils sont