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et de maisons de prières, destinés à sauver les hommes de la perdition éternelle, tandis que pas une main ne leur est tendue pour les tirer de l’enfer de la vie présente ? N’est-il pas temps qu’oubliant leurs controverses sur l’infiniment petit et l’infiniment obscur, les chrétiens unissent toutes leurs forces, pour sauver au moins quelques-uns de ces petits, pour qui est mort leur divin Maître ? » (200 à 250 000 exemplaires furent vendus en quelques semaines.) Voici, dans ses grandes lignes, le programme du général Booth.

Il évaluait, rien que pour la Grande-Bretagne, à un dixième de la population et à trois millions environ le nombre de ces prolétaires qui ne parviennent pas à gagner leur vie et restent sans foyer et sans patrie. C’est ce qu’il appelle le « dixième submergé. » Comme Dante dans sa Divine Comédie représentait le Purgatoire divisé en plusieurs cercles concentriques suivant les degrés du crime des pécheurs, le général Booth divise ce monde des miséreux en trois zones : au centre, les délinquans et les criminels ; dans la zone intermédiaire, les indigens, esclaves de leurs vices ; enfin, dans la périphérie, les prolétaires sans abri et sans travail, restés honnêtes.

A chacune de ces catégories, l’Armée du Salut applique une méthode spéciale de sauvetage.

Zone centrale. — Tout le monde sait les périls que font courir à la société les délinquans, après leur sortie de prison. Le système pénitentiaire, au lieu de les rendre meilleurs, produit souvent un résultat contraire et, à peine sont-ils élargis, qu’ils deviennent récidivistes. De là sont nées, en tout pays, les sociétés de patronage des prisonniers libérés : question capitale de sécurité et d’hygiène publique.

L’Armée du Salut a mis sa puissante organisation au service de cette cause ; le général Booth ajoute même, avec une pointe de malice, que ses officiers s’occupent des ex-détenus avec une sollicitude d’autant plus grande que plusieurs d’entre eux ont connu le régime de la prison. A cet effet, il a créé, dans le voisinage des grandes prisons, des asiles pour les détenus libérés, qui sont desservis par une brigade dite de la Porte de prison. Les officiers, de l’un ou l’autre sexe, attendent les détenus à leur sortie ; et avant qu’ils aient pu être entraînés au cabaret ou dans d’autres mauvais lieux, par leurs anciens compagnons de vice, s’efforcent de les amener dans la maison de