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maux l’attention d’un ministre méthodiste, éloquent et sans emploi, celui-ci inaugura, le dimanche 2 juillet 1865, une série de services religieux populaires du soir, dans un ancien cimetière de Quakers, à White-Chapel. L’installation était primitive ; une grande tente, et sans plan défini : le jeune prédicant ne se proposait que d’amener les prolétaires à Jésus-Christ. « Un jour, raconte Mme Booth, mon mari, revenant épuisé d’une de ces réunions, se laissa choir dans un fauteuil, en s’écriant : « Oh ! Kate, en passant ce soir, devant ces palais du gin, tout brillans de lumière, j’ai cru entendre une voix résonner à mes oreilles et me dire : Où pourrais-tu trouver des païens tels que ceux-ci ? Où pourrait-on, plus qu’ici, avoir besoin de tes efforts et de ton secours ? Et je sentis que je devais à tout prix me fixer ici et prêcher à ces multitudes de l’Est de Londres ! »

Ce prédicant était William Booth, âgé de trente-six ans, et sa femme, Catherine, était déjà mère de quatre enfans. Les deux époux, avec un bel élan de foi, décidèrent de se consacrer à l’évangélisation de ce peuple. C’est cette tente, secouée par les coups de vent et éclairée par des becs de gaz, qui fut le berceau de la « Mission chrétienne de l’Est-Londonien, » qui se transforma quelques années après en « Armée du Salut. » William Booth a raconté en ces termes sa résolution : « Il y a dix-sept ans, j’arrivai à Londres, presque comme un étranger au milieu de cette population d’artisans. Je vis qu’ils étaient sans Dieu et j’essayai de leur prêcher l’Évangile pour leur salut. Ayant déjà, pendant seize ans de ministère dans l’Église Wesleyenne, vu des milliers de cœurs soumis par le pouvoir de l’Évangile à la vieille mode, j’étais certain qu’il suffirait de le présenter à ces masses, en dehors des églises, pour qu’il se montrât efficace sur les pires d’entre eux ! »

L’idée génératrice de l’œuvre est la suivante : ce n’est pas aux bien portans, mais aux pécheurs que Jésus est venu porter le secours. Et puisque les prolétaires ont déserté les églises, il faut aller à eux, dans les carrefours, les tavernes, et jusque dans les bouges et leur faire entendre le message du salut. « En effet, notre expérience déjà longue, dit William Booth, nous a démontré que le criminel peut devenir honnête ; l’ivrogne, sobre ; la prostituée, chaste. » C’est là ce que Mme Booth appelait la méthode agressive.

Quel est ce message ? « C’est la misère du péché et ses suites