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GLINIS


Laisse-le, Thrasyllos, et comprends qu’il soit triste !
Il sied au cœur de l’être alors qu’il se désiste
D’un rêve, d’un amour, d’un espoir, d’un effort
Dont l’abandonnement contient un peu de mort.
Son désir après tout n’était pas sans noblesse,
Ni sans un sens profond qui se nomme sagesse
Quand il est exercé par de plus hauts esprits.
Dans ce bijou que couvre un ongle, il s’est épris
De ce même problème où toutes les pensées,
Par un même besoin universel poussées,
Celles des plus obscurs, des plus grands, des meilleurs,
S’aventurent parfois sur l’ordre de nos cœurs.
Chacun veut arriver au fond de ce qu’il aime,
Nul ne peut consentir à n’avoir que l’emblème
De l’être ou de l’objet qu’il cherche à posséder,
Plus loin que l’apparence on voudrait regarder,
Et c’est le grand tourment des tendresses humaines
De se pencher au bord d’inscrutables fontaines
D’où s’écoule un peu d’eau sur un caillou moussu,
Mais dont l’abîme obscur s’enfonce inaperçu.
Et n’avons-nous pas tous laissé tomber des larmes,
Dans ce gouffre effrayant où même nos alarmes,
Nos soupçons, ne pouvaient descendre jusqu’au fond !
C’est ce qui s’est passé, Thrasyllos, sous son front !
Et cela n’est-il pas assez pour le défendre ?

Et même il pressentait, sans très bien le comprendre,
Je ne sais quoi de grand que son futile jeu
Tentait à son insu ! Ceux qui trouvèrent Dieu,
Qu’ont-ils fait, Thrasyllos, que de chercher une âme
À ce grand tourbillon de lumière et de flamme
Dont nous voyons changer l’aspect et les éclats ?
De cet essai puissant si les uns restent las,
D’autres sont demeurés et demeurent encore
Hors de tout, attendant l’heure qui doit déclore
Le suprême secret dans la suprême loi ;
De leur extase ardente ils ont fait une foi ;