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Si ton opale est belle — et je crois qu’il en fut
Rarement d’un éclat plus riche et plus touffu —
Admire-la, que dis-je ? aime-la pour sa grâce,
Suave d’autant plus qu’elle naît et s’efface
Du même mouvement qui l’appelle et l’éteint !
Chéris-la d’être ainsi ! Tout autre effort est vain !
Renonce à rechercher ou le cristal ou l’angle
Où tout est, la formule imparfaite qui sangle
Aux lanières des mots ce qui tient tout un ciel.
Et comme les parfums des fleurs sont dans le miel,
Les vents dans les parfums, dans les vents les collines,
Les bois, les océans et les lignes divines
Qui descendent vers nous des bornes de l’éther,
Si bien que le rayon sur notre table ouvert
Laisse couler un peu de la somme des choses,
De même les lueurs dans ton opale encloses
Contiennent l’incendie antique où s’est formé
Le monde qui par lui reste encor animé.
De l’arôme d’un miel, de l’éclat d’une pierre,
Rien, sans les abolir, ne se saurait abstraire.
Le gauche et minuscule outil des sens humains
Ne fait que tâtonner au bord d’eux, et nos mains,
A saisir ce qu’ils ont de subtil maladroites,
Sont aussi pour tenir leur grandeur trop étroites.
Et c’est pourquoi l’effort où tu brûles tes yeux
Est absurde, infécond, vide et pernicieux,
Il est présomptueux, fantasque et frénétique.
Et c’est de l’hellébore appuyé de colchique
Qu’il faudra te donner pour guérir ta raison.
Allons ! cache l’opale et rentre à ta maison !
Egorge quelques coqs sur l’autel d’Esculape.
Je gage qu’il faudra du temps pour que Priape
Ait lieu de se montrer favorable à tes vœux !

CALLICLÈS


Va ton chemin, railleur !…
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