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Tes yeux étaient si pris que tu ne m’as pas vue !
Ne crois pas tout au moins que je fusse déçue !
Mais, depuis si longtemps, dis-moi ce que tu fais,
Sous ces fixes regards et que rien n’a distraits,
A tourner ce bijou dans ta main attentive.
Quel secret cherches-tu ? Quel problème s’esquive
Que ton esprit déçu s’évertue à saisir ?
Peut-être as-tu perdu l’effort de réfléchir.
…………..

CALLICLÈS


Je suis depuis longtemps intrigué par l’opale,
L’énigmatique opale : un mystère s’exhale
De la pierre, et, flottant sur elle, la défend :
La lentille qui perce et le ciseau qui fend,
L’acide qui dissout, le creuset qui consume
Ne savent la tenir ; le marteau, sur l’enclume,
L’écrase sans pouvoir plus que l’anéantir.
Elle trouble et confond l’œil qui veut la saisir,
On ne sait si l’éclat qui luit et qui s’efface
Sort de sa profondeur ou naît à sa surface ;
On ne sait quand il naît, on ne sait quand il meurt.
Tous les autres bijoux ont leur propre couleur,
Ils la gardent alors que notre main les bouge :
Le saphir reste bleu, le rubis reste rouge,
L’émeraude a son vert, la topaze a son or,
L’azur de la turquoise est immobile et dort,
Le grenat se repose en sa clarté vineuse.
De son violet doux l’améthyste est heureuse,
Le diamant est clair, verdâtre le béryl ;
Et si quelque rayon plus rapide et subtil,
Entrant dans ces bijoux, s’y brise et les fait vivre,
Ce n’est qu’une couleur qui de lumière est ivre,
Et s’ébat en éclairs qui lui sont ressemblans.

L’opale est infinie en ses reflets troublans :
Elle unit les beautés des autres pierreries,
Elle les prend en elle, intactes ou meurtries,
Elle broie, elle rompt leurs reflets, leurs éclats,