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Vaupallière 130 000 livres, au prince de Condé 550 000 livres, au baron de Breteuil 500 000 livres. La liste est longue et il n’est pas un des articles qu’on y voit figurer qui ne soit une charge accablante dont on se servira bientôt contre l’accusé.

Sa correspondance n’est pas moins significative, en tant qu’elle révèle ses opinions contre-révolutionnaires. Son copie de lettres contient « de fréquentes traces d’incivisme. » A la date du 12 novembre 1790, il a écrit à un banquier d’Amsterdam : « Je ne doute pas que vous n’ayez lu l’ouvrage de M. de Calonne dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre[1]. Les extravagantes opérations de nos législateurs y sont bien pulvérisées. Quelle vérité et quelle logique !… On m’a envoyé de Londres un autre ouvrage dont la lecture me fait grand plaisir : c’est celui de M. Burke sur notre Révolution. »

L’année suivante, le 14 novembre, Magon de la Balue écrit encore à M. de Thelusson, à Londres :

« Le Roi a refusé sa sanction au décret contre les émigrans ; c’est le premier usage qu’il a fait de sa prétendue liberté. Grand tumulte à cette occasion dans l’Assemblée, et encore plus au club des jacobinettes où se sont fait les motions les plus violentes, les plus indécentes et les plus insolentes. »

Dans une autre lettre expédiée à Cadix, on lit :

« On parle toujours beaucoup de guerre ; il est certain que les grandes puissances sont en mouvement ; mais c’est peut-être pour leur propre sûreté, en conséquence des décrets très impolitiques de l’assemblée, qui continue à se conduire de la manière la plus extravagante. Il semble que les Jacobins veulent tout bouleverser. »

Cinq jours après l’exécution de Louis XVI, Magon de la Balue, écrivant à un correspondant de Bayonne, apprécie en ces termes ce tragique événement :

« Tout se ressent du forfait qui a été commis ici, ce qui fera à jamais la honte de la nation. »

De ces extraits de la correspondance de Magon de la Balue, qu’on pourrait multiplier, il résulte qu’ainsi que nous l’avons dit, cet infortuné avait conservé des armes meurtrières pour lui-même. Mais, quelque prix qu’attachât le Comité de Sûreté

  1. Les passages soulignés ici le sont dans le procès-verbal et l’ont été sans doute par Héron, chargé de le transmettre à Fouquier-Tinville.