Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/640

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charge contre les suspects qui s’y trouvaient désignés. Dans la circonstance, la lettre du citoyen Haupton n’ajouta rien aux griefs imputés aux divers membres de la famille Magon. Mais il semble bien qu’elle eut pour effet d’activer les poursuites dirigées contre eux. Après l’avoir reçue, le Comité de Sûreté générale se décida à faire lever les scellés qui avaient été mis sur les bureaux du banquier de la Place des Piques.

L’exécution de cette mesure, décrétée le 3 prairial, fut confiée à deux de ses agens les plus actifs, les citoyens Léonor Toutin, et Jean-Louis Bailleux. Le 7 du même mois, ils accomplirent la mission dont ils étaient chargés. Deux membres du Comité de surveillance révolutionnaire de la section de la Montagne, les assistaient. Etaient également convoqués les trois principaux employés de Magon de la Balue : son caissier Servatius, et les citoyens Marchai et Jean-Jacques Maag, que le procès-verbal de l’opération désigne comme des hommes investis de sa confiance, et qu’on peut soupçonner de l’avoir trompée en fournissant des indications et des renseignemens propres à diriger les recherches et à les faire aboutir. Il est d’ailleurs probable qu’ils cédèrent à la peur plus encore qu’à la haine et qu’ils furent terrorisés par les questions qu’on leur posait.

Dans le procès-verbal de la perquisition, on trouve la preuve de l’imprudence qu’avait commise le banquier en conservant la plupart des lettres qu’il avait reçues des pays étrangers depuis le commencement de la Révolution. Après avoir énuméré les meubles qui garnissent les appartemens, les pièces d’argenterie, les bijoux, boîtes d’or, reliquaires, croix d’évêque, une foule d’objets de prix qui attestent le luxe et la richesse de la maison, des tableaux qui ne sont autre chose que des portraits de membres de la famille royale et de divers gentilshommes « cordons bleu, cordons rouge, comtes et comtesses, » ce document relate les découvertes compromettantes faites dans la correspondance et dans les livres de comptes. De l’examen des registres, il résulte qu’à plusieurs reprises et à des dates diverses, de 1790 à 1792, des envois d’argent ont été faits à des émigrés à Londres, à Francfort, en Suisse, en Italie et en Espagne : au baron de Montmorency, au marquis de Balleroy, au duc d’Havre, à la duchesse de Brancas, à la comtesse de Matignon et autres, des sommes qu’on ne spécifie pas ; à l’émigré Barentin environ 18 600 livres, au duc de Laval 450 000 livres, au marquis de la