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cuisinier signalé pour son caractère dur et brutal. Les vingt-six autres furent condamnés sans débat et exécutés le même jour.

À quelque temps de là, un nouveau convoi partait de Saint-Malo, annoncé par Le Carpentier au Comité de Sûreté générale en ces termes, que nous avons déjà cités : « Voilà encore du gibier que je vous envoie. » Mais, plus heureux que leurs compagnons d’infortune, ces tristes voyageurs apprirent en route les événemens du 9 thermidor et la chute de Robespierre.

Après avoir délibéré sur la question de savoir s’il ne convenait pas, vu cet événement, de les ramener à Saint-Malo, leurs gardiens décidèrent de continuer leur route vers Paris, où les prisonniers arrivèrent pour apprendre qu’ils étaient sauvés. C’est probablement dans ce convoi que se trouvait le marquis de Saint-Pern-Ligouyer. Il ignorait encore que sa femme avait péri quelques jours avant. Il ne le sut qu’à son arrivée. Il était déjà malade, et son état, aggravé par cette nouvelle comme par les fatigues du voyage, le fit retenir en prison, puis dans une maison de santé où, comme nous l’avons dit, il mourut l’année suivante.

Au lendemain du jour où ces victimes de la fureur homicide du conventionnel étaient parties pour Paris, il procédait à de nouvelles arrestations. En l’apprenant au Comité de Sûreté générale, il disait : « Il nous en reste encore. Ce sera pour remplacer ceux qu’il plaira au Comité d’appeler auprès de lui. » À la même date, sur son ordre, vingt-huit suspects partaient d’Avranches pour Paris, qui furent sauvés eux aussi par la chute des terroristes.


II

Peu de jours après l’arrestation de la marquise de Saint-Pern et de ses enfans, effectuée à la date du 17 floréal (6 mai), arriva au Comité de Salut public une dénonciation contre elle, contre son père et contre son gendre. Cette pièce accusatrice, emplie de perfidie, de faussetés et agrémentée d’une orthographe hautement fantaisiste, qu’il convient de respecter, portait la signature du citoyen Haupton, se disant caporal, fourrier de la compagnie ci-devant révolutionnaire de la section de Bon-Conseil. Elle débutait ainsi :

« Je suis sans pitié pour les ennemis de ma patrie ; par eux