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Manitoba et de l’Alberta, ne rentreront pas vides. Sur les douze voies ferrées qui relient les deux Etats, la circulation deviendra plus active. Ces échanges croissans créeront une communauté d’intérêts.

Les marchandises ne seront pas seules à franchir la ligne conventionnelle qui sépare les deux États. Les capitaux et les hommes suivront la même route. Ils ont déjà commencé.

Sans doute le Times évalue à 17 milliards les sommes placées au Canada par l’Angleterre au cours des cinq dernières années, et à 7 milliards seulement les capitaux américains engagés dans le Dominion, pendant la même période. Mais, sur les 17 milliards d’or britannique, 500 millions seulement sont allés à l’industrie proprement dite. Au contraire, sur les 7 milliards d’argent américain, les emprunts d’Etats et de villes, les obligations de chemins de fer n’ont absorbé que 600 millions. Deux tiers des bois de la Colombie britannique sont déjà des propriétés américaines. Les mines et les forêts de l’Alberta sont également attaquées. Les abattoirs, les fabriques de machines agricoles ont constitué d’excellens placemens. Des compagnies foncières yankees sont entrées en concurrence avec le Canadian Pacific Railway, achètent et morcellent la terre.

Elle trouve des preneurs, parmi le flux d’immigrans, qui franchissent la frontière. Le nombre des colons, venus des Etats-Unis, n’était que de 17 000 en 1900. Quatre ans plus tard, il est de 45 000. En 1908, il atteint 59 000. En 1909, un nouveau bond porte les chiffres à 103 000. L’année dernière, grâce à un progrès de 100 pour 100, l’immigration américaine dépasse de 44 000 âmes l’immigration britannique. Cet exode, que le traité de réciprocité ne contribuera pas à ralentir, s’explique par des raisons précises. Le colon yankee n’est point un débutant. Il a déjà défriché la terre de l’Ouest. La prairie a été sa patrie. Il sait cultiver en grand et manier les instrumens américains. Le colon yankee n’est point un pauvre hère. Le capital moyen, dont dispose l’immigrant anglais, n’est que de 75 francs. Son collègue des États-Unis n’a pas seulement de l’expérience : il possède aussi des économies. Son avoir n’est pas, en général, inférieur à 5 600 francs. Il peut attendre la première récolte et acheter ses premiers instrumens. Il trouve plus aisément du crédit. Il fait fortune plus vite. Le pacte commercial va faire à la Prairie canadienne une énorme publicité. Et les immigrans, en