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agricoles. « Un traité de réciprocité avec les Etats-Unis, » voilà la formule qui se trouve dans toutes les pétitions et sur toutes les lèvres.

Sir Wilfrid Laurier écouta et comprit. Il mesura la force du courant d’un regard sûr et céda avec une élégance toute britannique. Les libéraux de 1906, qui, après l’échec des négociations commerciales avec les Etats-Unis, avaient donné un coup de barre et s’étaient lancés dans la politique protectionniste, virent de bord, une fois de plus, et reviennent au libre-échange. Ils ont pour les principes de la science économique le respect qui convient. Les jalons, posés par l’arrangement conclu en mai 1910 pour éviter l’application du tarif maximum américain, n’ont point été inutiles. Les conversations reprennent. Elles aboutissent, le 21 janvier 1911, à l’accord actuellement soumis à l’approbation des parlemens intéressés.

La convention comprend trois dispositions principales. Un premier article classe les importations, qui entreront librement dans les deux pays. Les fermiers de l’Ouest canadien échangent les plaques de tôles, les fils de fer et d’acier, le coke, dont ils ont besoin pour couvrir leurs hangars, réparer leurs chars, entourer leurs terres, chauffer leurs maisons, contre des céréales, des animaux et des fruits. Un second paragraphe énumère les produits qui seront frappés, quand ils franchiront la frontière, de droits identiques. Sur cette liste, les colons du Manitoba et du Saskatchewan ont fait inscrire, à côté de la farine et des viandes, les automobiles, les montres, les instrumens agricoles. Un dernier article réduit, mais dans une proportion différente, les tarifs qui frappent un certain nombre d’importations. Les Etats-Unis favorisent l’entrée des bois, de l’aluminium, et du fer. Le Canada encourage les expéditions de charbon, de ciment, d’arbres fruitiers.

Le Dominion a conclu un pacte doublement avantageux. Dans cette convention, qui porte sur un chiffre égal d’importations américaines et canadiennes, il n’a baissé ses tarifs que de £ 512, 000, tandis que Washington accepte une réduction de £ 969 000. Mais il y a plus. Sans sacrifier intégralement les intérêts de la métallurgie canadienne, sans ouvrir les portes toutes grandes aux industries yankees, sir Wilfrid Laurier a facilité l’écoulement des denrées agricoles et des matières brutes, que l’insuffisance des transports grevait d’une lourde charge.