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Admettons, pour un instant, c’est d’ailleurs peut-être vrai, que l’Allemagne soit une menace pour la grandeur du Royaume-Uni, pour son commerce, pour sa puissance maritime, nous autres, Canadiens, en sommes-nous responsables ? Avons-nous contribué à diriger la politique qui a fait de l’Allemagne ce qu’elle est aujourd’hui ?


« Pas de marine, » conclut M. Henri Bourassa. « Pas de marine ! » clament les électeurs de la province de Québec. Et lorsque, il y a peu de semaines, la circonscription dans laquelle se trouve la maison de campagne de sir Wilfrid Laurier, Drummond-Arthabasca, est appelée à élire un nouveau député, elle culbute le candidat ministériel et lui préfère son concurrent nationaliste. Une profonde inquiétude vient troubler la paix sereine des chaumières aux longs auvens et aux volets verts.


La marine est une conspiration des Anglais pour noyer les Canadiens. Laurier a consenti, après avoir trahi les intérêts de notre langue, à constituer les équipages de nos futurs navires de guerre avec des Franco-Canadiens… Laurier nous a vendus aux Anglais, en échange des honneurs qu’il a reçus et, dans vingt-cinq ans, il n’y aura plus de Franco-Canadiens.


« Pas de marine, » répètent les mères et les femmes. Et dans un avenir prochain, sir Wilfrid Laurier saura ce qu’il lui en coûte de n’avoir point suffisamment ménagé, quand il a doté le Canada d’une flotte autonome, les susceptibilités et les méfiances des hommes de sa race et de son sang.


II

Au moment même où, dans l’Est, dans les villages français, aux toits penchés et aux chaumières colorées, entourés d’un damier de champs et d’une ceinture de prés, se déroulent ces manifestations significatives, voici qu’à l’Ouest se révèle une force, économique et sociale, qui va exercer une action nouvelle sur les destinées nationales du Canada. Elle n’a point pris naissance dans l’Ontario, sur cette terre jadis recouverte de forêts, et que los colons écossais ont aujourd’hui transformée en une campagne tout anglaise. Çà et là des fermes à deux étages, flanquées de larges écuries, encadrées de quelques arbres et parfois de quelques fleurs, dressent leurs silhouettes