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franco-canadiennes ont dicté à sir Wilfrid Laurier son attitude dans la conférence inter-coloniale, de même la colère qu’éveille dans tout le Dominion, en octobre 1903, l’affaire de l’Alaska prépare le gouvernement à adopter, l’opinion à accepter, pour réorganiser la milice et créer une flottille, la solution strictement nationaliste.

Le 20 octobre 1903, un mouvement d’indignation ébranle le Canada tout entier. Le Français de Québec, l’Anglais de L’Ontario éprouvent la même irritation, expriment les mêmes protestations. Le représentant de la Grande-Bretagne, dans la Commission arbitrale chargée de délimiter les frontières de l’Alaska et d’interpréter la convention anglo-russe de 1825, le lord chief justice, lord Alverstone, a abandonné la solution préconisée par ses deux collègues canadiens et s’est rallié à la thèse américaine. Le World de Toronto, le Times de Peterborough sont plus violens que la Presse ou le Devoir. Ce n’est pas M. Bourassa, mais un professeur de droit à Toronto, de sang anglais, M. John King, qui s’écrie, le 24 octobre 1903 :


Nous ne pouvons oublier que cette dernière transaction n’est que la suite de plusieurs autres, qui ont eu le même caractère. Toute l’histoire des négociations et des traités britanniques avec les États-Unis est marquée d’une série de pierres tombales sous lesquelles on a enterré nos droits.


Et, emporté par ce courant d’opinion, le même jour, devant les députés réunis à Ottawa, sir Wilfrid Laurier laisse tomber de graves paroles, un solennel avertissement :


La difficulté, telle que je la conçois, est qu’aussi longtemps que le Canada demeurera une dépendance de la Grande-Bretagne, les pouvoirs que nous avons actuellement resteront insuffisans pour la défense de nos droits. Il est important que nous demandions au Parlement britannique des pouvoirs plus étendus, afin que, si nous avons de nouveau à traiter de pareilles affaires, nous puissions le faire librement, selon la méthode que nous choisirons, et les lumières que nous pourrons avoir.


Sir Wilfrid Laurier ne sollicita point cet élargissement des droits nationaux. Il devait s’apercevoir bientôt que le Canada pouvait négocier, directement, des pactes commerciaux avec toute l’aisance d’un peuple affranchi. Mais il profita du premier incident pour donner au Canada une armée autonome.

Cette occasion, lord Macdonald, — le dernier commandant