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Paraphrasant un mot de sir Wilfrid Laurier : « Si vous voulez notre aide, appelez-nous dans vos conseils, » M. Joë Chamberlain s’écria :


Messieurs, nous avons besoin de votre aide, dans l’administration de ce vaste Empire, qui est le vôtre, comme il est le nôtre. Le Titan fatigué plie sous le faix trop lourd de son destin. Nous avons porté ce fardeau pendant bien des années, mais nous pensons, aujourd’hui, qu’il est temps que nos enfans nous assistent. Si vous nous en faites la demande, soyez sûrs que nous nous hâterons de vous faire place dans nos conseils (30 juin 1902).


Devant ce langage, les « enfans » du Canada gardèrent un religieux silence. La perspective d’un Imperial Council ne leur dit rien qui vaille. La vision du Titan, pliant sous le poids de ses destinées, ne leur inspire qu’une médiocre sympathie. Et sir Wilfrid Laurier croit prudent d’oublier une formule, qui lui échappa dans la chaleur communicative d’un banquet.

Mais lorsque la Conférence aborde la discussion du projet, « qui consiste à créer, dans chaque colonie, un corps impérial de réserve, qui pourrait servir, en cas de besoin, en dehors de la colonie où il s’est formé, » il ne fait plus la sourde oreille. Il oppose un veto formel :


Les ministres canadiens désirent faire remarquer que leur opposition ne vient pas de raisons financières. Mais ils ont la ferme conviction que le projet en question marquerait un dangereux éloignement des principes du self-government colonial. Le Canada apprécie trop hautement, pour y renoncer, la part d’indépendance locale qui lui a été octroyée par les autorités impériales, et qui a produit des résultats si utiles et si bienfaisans, soit au point de vue matériel, soit au point de vue du rapprochement de la colonie et de la mère patrie.


Il est impossible d’être plus adroit et plus poli. Les Canadiens ont gardé la courtoisie de l’ancienne France, et d’autre part, ils restent les descendans de paysans normands. Fidèles à cette double tradition, sir Wilfrid Laurier et ses collègues refusent, au nom de leur attachement à l’Empire, de le cimenter par une union militaire.


Et, depuis la Conférence de 1902, ce lien militaire a été détendu, au point d’annihiler les articles de la Charte de 1867, qui limitent, dans une dépendance théorique, les droits de la nation canadienne. De même que les manifestations