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Une forme d’union nouvelle, — due à l’initiative coloniale, — vient se superposer à l’unité politique, qui, — sinon en fait, du moins en droit, — reste étroite. Le Canada n’est pas une République (Commonwealth), c’est un domaine (Dominion) dont le roi d’Angleterre est souverain. L’autonomie législative, qui n’est que concédée (granted), reste soumise au contrôle du Gouverneur, qui signe les lois, et du Colonial Office, qui les révise. Tous les textes nouveaux sont expédiés au ministère des Colonies : pendant un délai de deux ans, il peut les frapper de son veto. Et si cette autorité ne s’est jamais exercée, il n’en est pas de même de la suprématie judiciaire. Le Conseil Privé de la Couronne anglaise reste la Cour de Cassation impériale. Et, pour prendre l’heureuse formule de M. André Siegfried, ces appels devant la juridiction suprême « apparaissent comme la preuve tangible d’une suzeraineté qui n’abdique pas. »

Il sera possible de revernir et de resserrer ces chaînes rouillées et détendues. Les tarifs différentiels créeront une solidarité d’intérêts. Les émotions militaires provoqueront la fusion des esprits. Et le conflit sud-africain n’aurait pas dégénéré en une guerre sanglante, si les doctrinaires de l’Impérialisme n’avaient pas cru que des victoires militaires anglaises cimenteraient le nouvel Empire. Les sacrifices collectifs, les émotions communes, les souvenirs identiques rendront faciles la réalisation, sur le terrain constitutionnel et politique, de l’unité rêvée. Lorsque, le 13 octobre 1899, sir Wilfrid Laurier autorise le départ pour les champs de bataille de volontaires canadiens équipés aux frais du Dominion, et leur incorporation dans les rangs de l’armée britannique, l’Angleterre tressaille d’émotion. Les premières défaites furent vite oubliées devant l’image des soldats anglais, canadiens, australiens, versant leur sang dans les mêmes combats. L’unité nationale devient un fait accompli. Des couronnes de lauriers entoureront d’un lien indissoluble le faisceau des forces impériales. La barrière des distances est brisée. L’abîme des océans est comblé. La diversité des races et des climats est vaincue. L’Empire constitue une réalité militaire. Et, grisés par la victoire, les représentans du gouvernement anglais, sur les rives du Saint-Laurent, laissent tomber des paroles dangereuses : « Ce contingent, s’écrie lord Minto, le 30 octobre 1899, est le premier présent que le Canada fait à la grande cause impériale. C’est une orientation nouvelle et l’avenir