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crut vraiment le peuple élu, investi d’une mission sacrée, maître de ses impériales destinées.

Et le discours de sir Wilfrid Laurier n’est pas qu’un geste. Il est accompagné et suivi d’actes décisifs. C’est le Dominion, conquis sur la France après des luttes acharnées, échappé par miracle à l’annexion américaine, qui pose les premiers rivets de l’armature nouvelle.

Au mois de juin 1893, les libéraux canadiens avaient décidé, qu’ « un traité de réciprocité, juste et libéral » avec les États-Unis constituerait le programme économique de l’opposition. En 1896, la minorité devient la majorité. M. Fielding, celui-là même qui devait négocier le pacte commercial de 1911 avec les Yankees, leur donne, le 22 avril 1897, au nom du nouveau Cabinet, un solennel avertissement : « Si nos voisins ne sont pas disposés à traiter avec nous dans des conditions équitables et raisonnables, nous continuerons néanmoins notre marche en avant, et nous trouverons d’autres marchés pour aider à l’agrandissement du Canada, indépendamment du peuple américain. » Ces paroles ne soulèvent aucun écho. La main tendue est refusée. Les négociations échouent. Et jetant pardessus bord, avec une belle élégance, leurs convictions libre-échangistes, les libéraux canadiens se bornent à remanier les droits protectionnistes fixés par les conservateurs, et à créer, au-dessus du tarif général, un tarif de réciprocité. La 16e résolution, schédule D, réserve sans négociations préalables une préférence de 12 et demi pour 100 à l’Angleterre. La fermeture des guichets américains, — et le fait permet d’apprécier l’importance de leur réouverture en 1911, — décide le Dominion à lever les siens devant les importations privilégiées du Royaume-Uni. Sans attendre que la Grande-Bretagne, pour répondre au geste canadien, ait dénoncé les deux traités qui contiennent en faveur de la Belgique et de l’Allemagne la clause de la nation la plus favorisée et lient le Dominion (30 juillet 1897), avant que celui-ci ait porté le tarif différentiel à 25 et à 33 et demi pour 100 (1898 et 1900), le Times écrit, le 20 avril 1897 :


Dans ces dernières années, il s’est produit peu d’événemens plus susceptibles de conduire à des conséquences plus fécondes que le projet déposé par M. Fielding… C’est le pas le plus décisif qu’on ait encore fait vers la fédération économique de l’Empire.