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la mère patrie. En négociant un traité de réciprocité avec les États-Unis, le Canada sert la cause de l’Angleterre, car ce pacte, en écartant toute source de difficultés, en favorisant également les intérêts des États-Unis et du Canada, ajoutera un nouveau facteur à ceux qui donnent déjà aux relations anglo-américaines une parfaite harmonie. Cette convention nous rapproche du jour où sera réalisé un grand idéal, où sera conclue cette alliance, entre les États-Unis et l’Empire britannique, dans laquelle résident les meilleurs espoirs, pour la paix et le progrès de l’humanité.


Le Daily News se félicite de ce que « les colonies aient découvert que les tarifs différentiels impériaux porteraient un coup fatal à leur autonomie. » Il nous montre le gentleman-farmer, dans lequel s’incarne la réaction protectionniste, pleurant sur la tombe, fraîchement close, où repose la Tariff Reform, tandis qu’un corbeau narquois chante le refrain du poème célèbre d’Edgar Poe : « Never more, » « Plus jamais. »

Cette victoire de la doctrine libre-échangiste aurait probablement éveillé dans la presse radicale un enthousiasme moins général et moins spirituel, si le traité de réciprocité avait porté un coup direct aux importations anglaises. Or il n’en est rien. John Bull vend, bon an, mal an, au Dominion pour 20 millions de livres de marchandises. 13 millions d’entre elles bénéficient du tarif préférentiel, concédé par sir Wilfrid Laurier. 3 millions seulement de ces expéditions britanniques rentrent dans les catégories visées par le traité actuellement soumis à l’examen des deux Parlemens de Washington et d’Ottawa. Mais ce million de livres n’est pas tout entier compromis : la moitié de ces marchandises continueront à bénéficier d’un tarif moins élevé que celui qui frappe tes objets similaires d’origine américaine ; 170 000 livres franchissent déjà, librement, les douanes du Canada. Il ne reste que 316 000 livres d’importations britanniques, qui seront frappées d’un droit égal à celui que doivent acquitter les concurrens yankees. Il n’y a donc, exactement, qu’un demi pour cent des ventes de l’industrie d’outre-Manche, qui soient, sinon touchées, du moins menacées par les négociations en cours.

Ce fait précis explique, en partie, la satisfaction qu’a affichée la presse radicale, et les hésitations, dont ont fait preuve les feuilles conservatrices. Elles n’ont point été unanimes à proclamer que l’Impérialisme, pour reprendre la formule d’Austin Chamberlain, « venait de subir un désastre. » Sans doute,