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dette de 30 milliards. Nous répondrons que précisément l’énormité de ce budget et de cette dette nous font désirer voir ménager toutes les réserves qui devraient exister. Notre trésorerie devrait être au moins égale à ce qu’elle était quand notre budget ne dépassait pas 3 milliards. L’avance non remboursable avant la fin de la concession introduit dans le budget un déficit chronique : quand on songe que le gouvernement russe a des centaines de millions à son crédit chez sa banque d’Etat, que le gouvernement allemand n’a fait aucun emprunt permanent à sa Banque d’Empire, que le gouvernement austro-hongrois ne doit plus que 63 millions de couronnes à la Banque d’Autriche-Hongrie, après avoir retiré de la circulation tous les billets d’Etat, nous nous sentons quelque peu humiliés de la situation dans laquelle se trouve la Trésorerie de notre pays, qui ne passe cependant pas pour un des moins riches du monde. Une fois de plus, nous voyons éclater le contraste entre la gestion imprévoyante des fonctionnaires et la sagesse des particuliers. Il ne faudrait pas que la richesse de la Banque de France qui, ne l’oublions jamais, consiste avant tout en son crédit, fût mise entre des mains incapables de l’administrer au profit de la communauté. Le jour où elle serait traitée en servante du budget et où des législateurs téméraires prétendraient, hors de propos, multiplier le chiffre des billets gagés par une simple créance sur l’Etat, le merveilleux édifice élevé par un siècle d’efforts et de sagesse s’écroulerait, et ceux-là mêmes qui s’imaginent que la Banque ne se met pas encore assez complètement à la dévotion du Trésor, s’apercevraient de leur erreur et constateraient, trop tard peut-être, qu’abuser de son crédit, c’est affaiblir l’un des ressorts les plus puissans du crédit public.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.