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productive, c’est-à-dire des billets qui ne sont pas purement et simplement la contrepartie directe du métal gardé dans ses caves. Or les sociétés de crédit particulières ne bonifient en ce moment qu’un demi pour 100 à leur clientèle pour ses dépôts à vue. La Banque de France pourrait, avec la plus grande facilité, s’assurer des milliards de dépôts qui ne lui coûteraient pas plus que sa circulation de billets. Comme elle aurait, le jour où elle ne serait plus banque d’émission, la même liberté d’action que les autres établissemens de crédit, elle pourrait se livrer à une série d’opérations fructueuses qui lui sont interdites aujourd’hui et au moyen desquelles elle accroîtrait singulièrement le montant annuel de ses bénéfices. Un simple rapprochement de chiffres, à dix ans d’intervalle, nous permet de constater les progrès réalisés par la Banque au point de vue de la solidité de sa situation, tandis que son portefeuille commercial, c’est-à-dire la principale source de ses bénéfices, diminuait. De 1899 à 1909, la circulation s’est élevée de 3 924 à 5 140 millions ; l’encaisse or de 1879 à 3 507 millions, c’est-à-dire que le rapport de l’or à la circulation passait de 48 à 68 pour 100. Au contraire, le montant des effets escomptés est tombé de 1 049 à 846 millions, c’est-à-dire a baissé de 19 pour 100, alors que, durant la même période, celui des cinq principales sociétés de crédit de Paris s’accroissait de 136 pour 100.

Plus on étudie le détail des opérations de la Banque et plus on arrive à la conviction qu’elle est la plus démocratique de nos grandes institutions financières et qu’elle n’existe plus, pour ainsi dire, que dans l’intérêt du public et dans celui de l’État. Les sociétés puissantes qui à côté d’elle se livrent aux opérations d’escompte et d’avances et qui, dans leur ensemble, les effectuent pour des sommes supérieures à celles que la Banque de France consacre au même objet, sont préoccupées avant tout de l’intérêt de leurs actionnaires et recherchent d’autres sources de bénéfices à côté de ceux que leur procure l’escompte. Elles s’adonnent aux affaires financières, telles que le placement de titres, la souscription des emprunts, la création d’entreprises industrielles qui absorbent une partie de leur activité. D’autre part, elles ne remplissent pas la fonction monétaire qui joue un si grand rôle dans les opérations de la Banque de France, et dont il convient maintenant de nous occuper.