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550 REVUE DES DEUX MONDES. L’Impératrice. — J’ai déjà froid jusqu’à l’âme. Prince-Fidèle. — Il faut, pour un temps, vous séparer de votre fils ! L’Impératrice, baissant la tête. — J’av^ais compris ! Prince-Fidèle. — L’Espoir de tous, la Victoire future, notre jeune Empereur!. ..Il doit être à l’abri des hasards de la guerre, en sûreté, loin d’ici dans quelque province inaccessible. L’Impératrice. — « Que le précieux flambeau qui éclairera l’avenir soit mis hors des atteintes du vent, » ainsi l’astrologue a parlé. Oui, l’aveugle a vu dans l’invisible. Voici que l’énigme de ses paroles est expliquée!... Prince-Fidèle. — Il faut obéir à l’oracle : le malheur, lors- qu’il est prévu, peut être évité encore. Prince-Ailé, et vous Lumière-Voilée, sages conseillers, votre avis est-il pareil au mien? Prince-Ailé. — Il est pareil, de tous points. Prince-Fidèle. — Et vous tous, nobles chefs, savans lettrés, dignitaires, votre pensée est-elle aussi qu’il faut éloigner le jeune Empereur? {Tous inclinent la tête en silence.) Et non pas demain, non pas ce soir, hélas ! car chaque minute aggrave le péril!... Dès maintenant, si Votre Majesté consent au sacrifice. L’Impératrice. — Oh ! vous me prenez dans un cercle de fer, que vous resserrez, que vous resserrez trop vite... Mais où donc sont-elles, les armées du Tartare?... Pas sous nos murs en- core, nous ne sommes pas investis! Les routes sont ouvertes... (FAle serre son fils contre elle-même.) Laissez-le-moi encore un jour. Au moins, donnez-moi le temps de trouver de la force, pour accepter le désespoir... Je suis l’Impératrice, oui ; mais je suis aussi une mère!... A une mère, on n’enlève pas son en- fant comme on arrache une fleur de sa tige... Attendez!... Prince-Fidèle. — Attendre, ô ma souveraine ! Mais votre chagrin ne serait-il pas infiniment plus afTreux si un malheur arrivait par la faute d’une tendre faiblesse? Songez au désordre d’un siège, à l’horreur et aux risques des combats! Remercions le ciel d’avoir le temps encore d’y dérober notre jeune maître. Dès que le danger sera conjuré, il vous reviendra. L’Impératrice. — Ah! non, ne parlez pas de retour, pour leurrer ma détresse, comme on fait aux enfans!... Laissons l’avenir, qui est nébuleux et noir... Mais la sagesse a parlé, et ma révolte est passée, j’aurai la force de me soumettre. /.4 l’en-