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LEILA.


Moins par curiosité que pour faire plaisir à son amie, il demanda :

— Que soupçonnez- vous donc ?

Alors, après avoir hésité une seconde, elle dit ce qu’elle pensait des sentimens intimes de Lelia. Massimo ne lui répondit que par une amère incrédulité.

— Ne jugez pas Lelia si précipitamment, objecta Donna FeJele. Laissez-moi le temps de scruter ce qu’il y a au fond de ce cœur. Ensuite je vous informerai de mes découvertes. Mais Massimo ne voulut rien entendre. Il annonça qu’il se proposait de partir par le train de deux heures et demie, et que^ pour s’excuser de ce brusque départ, il enverrait à M. Marcello un billet où il alléguerait un rappel soudain et où il le prierait de vouloir bien faire expédier ses bagages à Milan. Donna Fedele protesta. Il était impossible de prendre ainsi la fuite. Ce que le jeune homme devait faire, c’était aller tout de suite à la Montanina, dire à M. Marcello qu’il avait d’abord eu l’idée de partir avec Dom Aurelio, mais que son ami l’avait chargé de quelques commissions. A ce mot, le jeune homme interrompit Donna Fedele :

— Ce ne sera pas un prétexte, dit-il. J’oubliais qu’en effet je dois aller à Sant’ Ubaldo et donner des instructions à Luzia pour les livres et les meubles de son maître.

— Allez donc à Sant’Ubaldo et donnez vos instructions. Mais vous verrez qu’un jour ou l’autre vous reviendrez ici ; et comme, alors, certaines convenances ne permettront pas que vous logiez à la Montanina, vous logerez au cottage des Roses. Elle avait souri en prononçant la dernière phrase ; et le jeune homme comprit qu’elle faisait allusion à l’usage local qui interdit aux fiancés de demeurer sous le même toit.

— Non, non ! s’écria-t-il.

Et il se hâta de prendre congé ; puis il se sauva, tandis que le rire argentin de Donna Fedele le poursuivait à travers le jardin. Antonio Fogazzaro.

[La troisième partie au prochain numéro.) TOME II. — 1911.