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apprêtées ! Tantôt Hugo, écrivant à sa femme, lui cite un vers des Catalecta, qu’il charge son jeune fils, apprenti latiniste, de traduire à sa mère ; tantôt il invite son ami Asseline à venir manger les marrons bouillis de Tilyre, castaneæ molles ; ou bien, détournant ingénieusement une phrase des Bucoliques, il prie les vents de « porter quelque chose de ses paroles aux oreilles divines… » de George Sand. Il est bien clair que tous ces mots virgiliens, qui se présentent un peu au hasard de ses récits de voyages ou de sa correspondance, ne lui ont coûté aucun effort, aucune recherche. Ils sont sortis tout seuls d’une mémoire qui en était nourrie avec plénitude. Et par là, sans qu’on en doive exagérer l’importance, ils témoignent du moins que Virgile a été pour Hugo, autant et plus qu’un modèle poétique, un ami, un compagnon de tous les instans.

Tout nous conduit donc à la même conclusion : le grand nombre des citations, le fréquent retour de quelques-unes d’entre elles, la variété des applications qu’en fait le poète, autant de signes qui nous révèlent à quel point il est nourri de Virgile. Toujours et partout, l’influence de l’auteur latin s’est maintenue en lui. Jusqu’à quel degré, et en quel sens s’est-elle exercée ? a-t-elle été profonde ou superficielle ? a-t-elle été voulue, ou subie, ou combattue ? a-t-elle été salutaire ou fâcheuse ? Ici, nous sommes en présence de questions beaucoup plus délicates, et la réponse ne peut être donnée, en bloc, une fois pour toutes, si l’on songe combien Victor Hugo s’est perpétuellement renouvelé. Il faut donc le suivre étape par étape ; depuis les années d’enfance où il a pris le premier contact avec l’Énéide, jusqu’à la veille de sa mort, où il déclarait à Gaston Boissier « qu’il y a tout dans Virgile. »


II

En 1811, lors de son examen d’entrée au Collège des Nobles de Madrid, Hugo explique quelques passages de Virgile ; en 1813, en tête d’un thème latin sur Pyrrhus, il écrit une traduction de l’admirable vers de l’Enéide, parcere subjectis et debellare superbos :


Pardonner aux vaincus et vaincre les rebelles,


et il en illustre la pensée par deux dessins où l’on peut