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différentes combinaisons qu’ils ont. cherchées pour en venir à bout.

Bramante, très imprégné du sentiment classique, comprit que logiquement, en conservant aux ordres leur rôle organique, on ne pouvait guère trouver pour une façade d’autre forme qu’un portique, et il lui fut possible d’adopter cette forme dans ses projets pour Saint-Pierre, parce que la nef devant laquelle il plaçait sa façade était suffisamment courte pour ne rien cacher de la coupole centrale qu’il fit intervenir comme motif essentiel dans la composition de sa façade. Cette façade n’était qu’un portique surmonté d’une coupole. Cette idée, reprise et transformée, aboutit en Italie et surtout en France à des formes très intéressantes. Mais cette solution devint inacceptable du jour où l’on revint aux églises avec de longues et hautes nefs, se terminant par des façades qui devaient se suffire à elles-mêmes. On ne pouvait guère songer à grandir démesurément les ordres pour donner aux pilastres ou aux colonnes une hauteur correspondant à la hauteur des nefs ; quelques architectes pourtant l’ont tenté, mais toujours ils échouèrent. Ils se rendirent bien vite compte de cette impossibilité, et ils préférèrent chercher d’autres solutions par l’emploi des ordres superposés.

En cela, ils étaient bien encore des classiques, puisqu’ils continuaient à se servir des ordres, mais ils ne l’étaient plus en ce sens qu’ils les employaient contrairement à l’esprit qui les avait fait naître. Jamais un Grec n’eût approuvé une telle déformation de son architecture. A vrai dire, s’ils ne suivaient pas les Grecs, ils agissaient là encore, comme les Romains, qui avaient déjà donné de fréquens exemples de superposition des ordres, entre autres dans les théâtres et les arènes. La France, plus gothique que l’Italie, plus éprise qu’elle de verticalisme, ne reculera pas devant la superposition de trois et même de quatre ordres (voir les façades de Saint-Gervais, de Saint-Paul-Saint-Louis, à Paris, et celles des cathédrales d’Auch, de Rennes et de Nancy),

Cette solution ne manquait pas de beauté, mais elle était exposée à produire une grande monotonie par la répétition d’une même disposition aux deux étages ; et l’évolution de l’architecture, à ce moment, consista à modifier ce motif trop uniforme, soit en variant les ordres,, soit en mettant des intervalles inégaux entre les colonnes, soit en donnant aux colonnes des saillies différentes, soit en rompant les corniches par des ressauts et