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fit l’avocat Berryer père en faveur de son client Magon de la Balue, et dont il parle dans ses Souvenirs, sans en indiquer la date. Hérault de Séchelles, parent de Magon de la Balue, son neveu à la mode de Bretagne, était un des personnages importans de la République. Il venait de rentrer à Paris en décembre après avoir rempli une mission importante en Alsace et il présidait la Convention. Il était naturel que Berryer recourût à lui pour utiliser son influence au profit du prisonnier dont la tête était menacée. Mais il se heurta à un refus formel.

— En m’intéressant à mon oncle, lui dit Hérault, je me compromettrais en vain ; je ne le sauverais pas ; je ne peux rien.

Il consentit cependant adonner à Berryer une lettre d’introduction auprès de Dubarran, membre du Comité de Sûreté générale. Mais, accueilli brutalement par ce représentant et même menacé, l’avocat dut reconnaître que ses prières seraient vaines et que toute insistance le rendrait suspect. Cette dernière chance de salut échappait donc à Magon de la Balue et il ne put que s’abandonner à son sort.

On peut maintenant se rendre compte de ce qu’était, à la fin de 1793, la situation de cette malheureuse famille : trois de ses membres emprisonnés à Paris, plusieurs autres à Saint-Malo, dont on a lu plus haut la liste, et auxquels il convient d’ajouter divers de leurs alliés plus ou moins rapprochés : les vieux Saint-Pern-Ligouyer, le comte et la comtesse de Villirouet-Lambilly, la veuve des Bas-Sablons, la veuve de la Grassinais, les Saint-Gilles, d’autres encore, contre lesquels on ne peut alléguer, en fait de griefs, que leur fortune ou leur noblesse. On dira de l’un d’eux, le marquis de Saint-Pern-Magon, le gendre de la Balue : « Relations peu connues : mais on connaît parfaitement qu’il a un caractère phelmatique et orgueilleux, qu’il est entiché de ses anciens privilèges et de ses titres. » Contre sa jeune cousine Elisabeth de Saint-Pern-La Tour, fille aînée de Magon de la Lande, on ne trouvera pas même un prétexte. On constatera qu’elle a « un caractère doux et simple, des liaisons avec sa famille et qu’elle est d’opinions secrètes. » Elle n’en est pas moins emprisonnée. Le nom de son père et celui de son mari l’ont désignée aux accusations qu’on formule contre toute une famille dont on veut s’approprier les biens. si l’on n’a pas arrêté un plus grand nombre de ses membres, c’est que plusieurs d’entre eux ont émigré ou se cachent.