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graves. En apprenant le malheur qui frappait sa famille, accourut-il à Paris pour donner assistance à l’auteur de ses jours, faire des démarches à l’effet d’obtenir qu’on le mît en liberté et intéresser à son sort son cousin, le conventionnel Hérault de Séchelles ? Nous l’ignorons. Il n’apparaît pas une seule fois dans la suite du drame. Ce n’est qu’incidemment qu’au moment de la levée des scellés à l’hôtel de la place Vendôme, il est mentionné comme n’étant pas arrêté, « quoiqu’il y ait lieu de le croire suspect. » Après le 9 thermidor seulement, on le voit intervenir, avec les autres héritiers de Magon de la Balue, encore vivans, pour entreprendre la liquidation de la succession paternelle et demander la restitution des capitaux confisqués.

A défaut des membres de sa famille, Magon comptait parmi ses commis un homme de confiance qui lui était vivement attaché. Il se nommait Jean Coureur. Receveur des rentes à l’Hôtel de Ville de Paris et âgé de soixante-huit ans, il occupait en outre un emploi à la banque Magon. Sur la liste du personnel, il figure avec un très modeste traitement fixe. Mais il est stipulé qu’il bénéficie d’une commission sur les affaires auxquelles il prend part. La nouvelle de l’arrestation de Magon de la Balue le consterna et excita son dévouement. Il mit tout en œuvre pour le tirer de sa prison et c’est ce qui le rendit suspect. Il fut arrêté à son tour un mois après le maître qu’il vénérait. On l’envoya le rejoindre et, sauf pendant leur détention au Luxembourg, durant laquelle on les tint séparés, ils eurent la triste consolation d’être ensemble. Toutefois, aucun grief précis n’avait été invoqué contre Coureur, lorsqu’une lettre écrite par lui à Magon de la Blinaye, le 20 juin 1792, fut trouvée à Saint-Malo dans les papiers de celui-ci.

« Nous sommes ici sous la plus violente crise, y était-il dit. On a commandé 40 000 hommes de garde nationale pour opposer aux brigands des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau qui doivent venir avec leurs piques et leurs haches planter l’arbre de la Liberté sous les fenêtres de notre malheureux Roi prisonnier dans son château. C’est le dernier degré de licence de la faction qui touche à sa fin par l’approche de toutes les armées étrangères qui vont fondre sur ce malheureux royaume pour y mettre la police. Le roi de Prusse arrive le 26 à Coblentz avec la dernière colonne de son armée qu’il commande lui-même. Au mois prochain, les grands mouvemens. »