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parvinrent, à prix d’or, à sauver leur tête, en obtenant d’un employé du Tribunal révolutionnaire que, tous les jours, il glissât leur dossier sous tous les autres, ce qu’il fit jusqu’après le 9 thermidor.

Indépendamment des faits qui viennent d’être énumérés, il en est plusieurs autres qui achèvent de démontrer la participation de Héron aux poursuites dirigées contre la famille Magon. Il y a d’abord lieu de faire remarquer qu’il était né à Saint-Lunaire, proche Saint-Malo, et qu’en outre sa profession de marin qu’il exerça pendant quatorze années, l’avait rendu familier avec les hommes et les choses de cette ville. Comme tout le monde, il connaissait la puissance financière et sociale des Magon, il savait qu’il y avait là une belle proie à dévorer. Aussi, le voit-on multiplier ses efforts pour provoquer des mesures de rigueur contre le banquier de la place Vendôme.

« Je dénonce pour la troisième fois, écrit-il le 14 octobre 1793, les nommés Laborde père, Le Normand et Magon de la Balue. Les deux premiers ont été banquiers de la cour et le troisième celui de la cour d’Espagne, où ils ont accaparé des richesses immenses, ce qui leur donne une grande facilité pour pervertir l’opinion publique au détriment des principes révolutionnaires et patriotiques. Ce sont d’anciens adorateurs de Louis XV et de Louis XVI et de-ci devant valets de cour, ce qui ne peut laisser aucun doute qu’ils ne soient dans le parti coalisé contre la souveraineté du peuple français et coupables de complicité du traître Laporte, intendant de la liste civile, leur ancien ami.

« Ces trois individus sont liés d’intérêts et d’opinions avec Vandenyver, Gojard et Dufresnoi, ancien notaire de l’abbé Terray à qui La Borde a fait un présent immense en vaisselle plate pour l’avoir aidé à voler le Trésor public sous le règne de ce ministre dont le nom est voué à l’exécration publique. Le citoyen Marat a publié dans un numéro de son journal, il y a environ un an, d’après ma dénonciation à la Convention nationale que ces trois financiers étaient dans le complot de la banqueroute préparée par Capet, auquel ils n’ont rien répondu par ce fait jugé tel dans l’opinion publique. La Borde est d’ailleurs le beau-père du baron d’Escart émigré. La Balue a une grande partie de ses parens qui le sont, peut-être même un de ses fils. Le Normand est marié à une Espagnole. Ils sont tous d’une aristocratie puante et dans le cas de la détention. »