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LA FILLE DU CIEL. 34!^» le costume tartare. Ces vêtemens chinois sont tellement plus jolis ! PuiTs-DEs-Bois. — Ils rendent la femme plus souple et plus fine. L’Empereur. — Est-ce que dans la ville tous les habitans ont repris la mode antique? PuiTS-DES-Bois. — Dans leurs maisons, c’est très probable; en public, dans les rues, ils dissimulent encore. L’Empereur. — Le vice-roi, que j’entretiens ici, ne doit rien ignorer de tout cela ; comment ne sommes-nous pas mieux avertis ? PuiTs-DEs-Bois. — Votre vice-roi, Sire, n’est pas un Tartare, mais un Chinois, autant dire qu’il fait cause commune avec les rebelles. Cependant à Pékin, en dehors de votre palais d’éternel silence, on sait à peu près ce qui se passe. Tandis que vous rêvez la paix définitive, on prépare la guerre. L’Empereur. — Hélas 1... (On entend sonner, alternativement, la trompe, leclaquebois et le gong, frappant chaque fois cinq coups. Bientôt les sonneurs passent, lentement.) PuiTS-DES-Bois. — La cinquième veille. L’Empereur. — Faut-il rentrer? PuiTS-DES-Bois. — Pas encore. L’Impératrice va se rendre au temple de ses ancêtres, cela nous donne du temps. L’Empereur. — L’Impératrice!... Dans quelques instans je la verrai ! L’image que je m’en suis faite sera détruite par la figure réelle... Ah ! elle ne se doute guère, cette femme, pour qui je dois être l’épouvantail suprême ; elle ne se doute pas que depuis des mois elle emplit toutes mes pensées, qu’elle seule hante mes veillées solitaires. Oh ! si elle savait que l’Empe- reur-fantôme, séquestré là-bas dans le palais de Pékin, écrivait chaque nuit des poèmes en son honneur... Puits-des-Bois. — On la dit belle et charmante; mais ce sont, peut-être, paroles de courtisans. L’Empereur. — Si elle ne l’est pas, mon sacrifice n’en deviendra que plus méritoire... Puits-des-Bois. — Ohl... Venez là, c’est elle ! Elle traverse les jardins et, comme il n’y a personne, son palanquin est grand ouvert. L’Empereur. — Ah ! [A travers les buissons en fleurs il regarde