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ACTE PREMIER
PREMIER TABLEAU

Les jardins du Palais de Nang-King. À gauche, le pavillon des filles d’honneur, précédé d’une véranda enguirlandée. Entre les arbres et les buissons fleuris, on aperçoit des toitures de faïence jaune, aux angles retroussés et hérissés de monstres. Grands cèdres contournés. Étangs, ruisseaux, ponts courbes en marbre et en laque rouge.

Préparatifs de fête. Au fond, des serviteurs plantent des bannières, des lances, des insignes de toutes formes. Plus près, d’autres nettoient le jardin, balaient la pluie de fleurs tombée des arbres. Soleil levant.

SCÈNE I
LE ROC, PETIT-SAPIN, LE FORT, LE COURBE, jardiniers.
(On entend dans le lointain une cloche et un tambour.)

Le Roc, qui s’arrête de travailler et prête l’oreille. — Entendez-vous la grosse cloche de bronze et le grand tambour ? ... Encore un prince qui passe sous le portail d’honneur, un de plus qui fait son entrée dans notre palais de Nang-King.

Petit-Sapin. — J’entends, oui... Mais j’aimerais mieux voir...

Le Fort. — Les beaux spectacles ne sont pas faits pour nous.

Le Roc. — Les cérémonies n’ont pas besoin de nos regards.

Petit-SapIx. — Oui, oui, on sait : notre fonction est de travailler à l’écart, de préparer patiemment la beauté de la fête qui ne sera pas pour nos yeux.

Le Fort. — Vas-tu te plaindre ?... Chaque être doit accepter la place qui lui échoit dans lo vie.

Le Roc. — La loi est pour tous. Il y a des animaux fiers et superbes, des oiseaux qui ont un magnifique plumage. Et il y a aussi des rats et d’affreux insectes qui répugnent.

Le Fort. — Il se trouve des rois parmi les arbres et des princesses parmi les fleurs.

Le Roc. — Et beaucoup de pauvres plantes n’ont ni beauté ni parfum.