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avait subi, là-bas, dans le cabinet ministériel, un interrogatoire en règle, avant d’être confirmé dans son office par l’autorité royale. Mais tout le printemps s’écoula, sans qu’aucun signe survînt de Berlin : des professeurs de Bonn insistaient en haut lieu, pour que ces pénibles délais eussent un terme. Enfin, le 8 mai 1875, on apprit que Guillaume Ier invitait la municipalité de Bonn à faire un autre choix. Kaufmann était exclu d’une charge que depuis près d’un quart de siècle il exerçait avec éclat. On ne pouvait lui reprocher aucun acte illégal, même aucune intention illégale ; son crime, c’était ce qu’à part lui, dans son for intime, il pensait sur les lois de Mai.

« En ces temps de tyrannie presque illimitée, rien n’est impossible, » lui écrivait un membre du parti conservateur, son vieil ami Andreae-Roman. « Cette illustration de la liberté communale est trop significative, déclarait Windthorst, pour que nous ne la remettions pas souvent sous les yeux de messieurs nos soi-disant libéraux. »

Après la municipalité de Bonn, c’était au tour de celle de Munster, d’être l’objet de vexations. Elle avait complimenté Ketteler, évêque de Mayence, à l’occasion de son jubilé ; le président supérieur estima qu’en raison de l’attitude politique de Ketteler, chacun des signataires de cette adresse de félicitations méritait une amende. Nouvelle amende, ensuite, contre Ketteler, à cause de la lettre qu’il avait écrite au président supérieur pour lui reprocher sa mesure contre la municipalité : et le bruit ainsi fait par le président supérieur apprit à l’Allemagne tout entière qu’à Munster on admirait Ketteler.

L’ostracisme qui s’exerçait à Bonn, les amendes qui pleuvaient à Munster avertissaient les bourgmestres des petites bourgades qu’ils eussent à comprendre la gravité de leurs devoirs, c’est-à-dire à gêner les pèlerinages, à tracasser les processions, à se mettre aux trousses des vicaires délinquans, à obséder les préfectures de leurs rapports et les parquets de leurs procès-verbaux.

Mais Sybel était plus logique, plus proche aussi des réalités, lorsqu’il s’étudiait à venger, non seulement sur les fonctionnaires, mais sur le peuple lui-même, l’incontestable échec de la politique ecclésiastique… Oui, sur le peuple, et non pas seulement sur le peuple catholique, mais sur le peuple protestant. Au nom de l’esprit de Culturkampf et pour le triomphe de cet esprit, Sybel voulut ajourner, sur le Rhin et en Westphalie, l’établissement