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l’obéissance passive de leurs membres et par l’action qu’ils exerçaient sur le peuple. Sans modifier les vues d’une majorité d’avance acquise, les divers orateurs, comme c’est l’habitude en pareils débats, avaient institué deux procès symétriques : celui des vœux religieux et celui des engagemens franc-maçonniques : les vœux religieux avaient été condamnés. « Voilà détruit, s’écriait joyeusement Bennigsen, tout le travail que firent les ultramontains en trente années. » — « Tant mieux pour la paix religieuse, disait sérieusement l’historien Treitschke ; car les cloîtres troublent l’harmonie confessionnelle. »

Lorsque Bismarck avait parlé de paix religieuse, avait-il pris ce terme au même sens où le prenait Treitschke ? La paix telle qu’il la concevait devait-elle planer sur des ruines ? Windthorst commençait à le croire : « En vérité, disait-il, on aurait déjà proposé d’expulser tous les catholiques d’Allemagne, s’il ne s’agissait pas de 8 millions d’hommes et si l’exil de ces huit millions ne risquait pas de faire des vides dans l’armée. » Pour cette raison d’ordre militaire, peut-être, et pour d’autres aussi, Bismarck s’arrêtait là. Les Grenzboten insinuaient que peut-être il faudrait encore d’autres lois, qu’on serait forcé de gêner par l’obligation du placet les communications des catholiques avec Borne, de créer pour les fonctionnaires catholiques un serment du Test. Mais Bismarck en avait assez, et tout fier d’avoir fait rayer de la Constitution prussienne cette mention que l’Eglise était libre, il semblait considérer que pour l’instant la législation ecclésiastique était achevée.

A partir de mai 1875, Bismarck législateur se reposa.

« Je n’ai voulu que rétablir l’État dans une forte défensive contre l’agressive Eglise catholique, disait-il le 22 août 1875 au ministre wurtembergeois Mittnacht ; il n’est pas nécessaire d’aller plus loin, ni même d’étendre à l’Empire les lois ecclésiastiques, à moins que la Bavière ne crie au secours. » Il en voulait rester là : tel le Dieu de la Genèse, il se reposait, ayant fini son œuvre. Mais lorsqu’il jetait sur cette œuvre un regard paternel, il lui manquait, et ce jour-là même il le laissait voir à Mittnacht, la sereine certitude que son œuvre fût bonne, pleinement bonne.