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heure, lointaine encore, où Bismarck pourrait se passer d’eux, et où pourrait se former, sur un terrain tout autre que celui de la lutte contre l’Eglise, une nouvelle majorité bismarckienne. La Chambre des Seigneurs réduisait tous les prêtres à devenir des pauvres ; mais les circonstances mêmes du vote, quelque inique qu’il fût, recelaient en elles-mêmes le germe, à peine visible encore, mais déjà très prometteur, de certaines nouveautés politiques, dont plus tard la paix religieuse serait l’effet.


III

Deux jours seulement après que la Chambre des Seigneurs avait applaudi le Credo évangélique du prince de Bismarck, le Landtag décidait de discuter immédiatement, sans le renvoyer à des commissaires, un autre projet déposé par le chancelier, et qui visait à supprimer les articles 15, 16 et 18 de la Constitution. L’on se rappelle peut-être qu’en 1873, deux de ces articles, qui garantissaient l’autonomie de l’Église, avaient été corrigés par des phrases supplémentaires, relatives aux droits de l’Etat. Mais en 1875, on voulait enlever à l’Eglise ce qu’ils lui laissaient encore : les supprimer devenait urgent. Les ministres reculaient ; ce mot même de Constitution leur inspirait une sorte de crainte religieuse, et Falk montrait autant de répugnance à donner des coups de canif dans cet auguste papier, qu’il avait naguère montré de zèle pour y glisser des interpolations. C’était Bismarck, et Bismarck tout seul, qui songeait à d’audacieuses déchirures ; c’était lui qui voulait que solennellement les articles 15, 16 et 18 fussent rayés, et qu’ainsi le législateur eût désormais la voie libre. Au conseil des ministres, il avait posé la question de cabinet ; Falk alors avait dû céder, on avait sacrifié l’intégrité de la Constitution à celle du ministère ; pour garder Bismarck, on avait accepté la proposition sacrilège, et le Landtag l’étudiait sans retard. Fréquemment, sur les lèvres des orateurs du Centre, des objections tirées de la Constitution s’étaient élevées contre les projets de lois ecclésiastiques ; ces objections tomberaient, dès qu’auraient succombé les paragraphes auxquels elles se cramponnaient. L’Etat prussien venait proposer aux membres du Landtag un accroissement de leur souveraineté : ces textes les gênaient, à eux de s’en débarrasser.

En fait, derrière les trois articles, un roi de Prusse était