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De Salute, qui, depuis 1821, à la façon d’un quasi-concordat, fixait les rapports entre la Prusse et l’établissement catholique. Cette bulle assurait à l’Église certaines dotations d’Etat ; le projet de loi bismarckien subordonnait à l’humble souplesse de la créancière la générosité du débiteur. Ou bien l’Eglise ferait à Pie IX cet affront, de reconnaître enfin les lois, malgré lui, et la Prusse, alors, accomplirait loyalement les promesses faites au Saint-Siège ; ou bien l’Église demeurerait indomptable, et la Prusse, alors, infligeant à Pie IX un autre genre d’affront, suspendrait l’exécution de ces promesses. Des avocats subtils et passionnés s’apprêtaient à établir que la Papauté n’était plus la même qu’en 1821, et que dès lors le pacte était périmé.

Il y avait, dans cet artificieux projet, une menace pour tous les évêques, une tentation pour tous les curés. De nombreuses localités, où ne s’était, depuis le vote des lois de Mai, produit aucun changement, et où le ministère sacerdotal était légalement exercé par des prêtres légalement nommés, allaient désormais sentir, à leur tour, la répercussion de la lutte religieuse : leurs curés, bien qu’innocens de tout délit formel, seraient appauvris, peut-être réduits à la misère, parce que les évêques auraient refusé de se plier aux ordres de l’État. Et Bismarck espérait que ces curés se fâcheraient, que leur colère, peut-être, intimiderait l’épiscopat, que tout au moins, personnellement, pour éviter la disette, ils s’inclineraient devant le pouvoir civil. A l’huis des lointains presbytères, l’État séducteur viendrait frapper ; il tendrait une plume aux curés, pour qu’ils souscrivissent les textes législatifs qui dépossédaient leur évêque de ses droits ; et puis, d’un geste offensant, il leur rendrait la corbeille de pain nécessaire pour vivre. Ce projet de loi qui d’abord créait la mendicité des prêtres, et puis qui les asservissait, devint tout de suite odieux, sous le nom populaire de : loi de la corbeille de pain (Brotkorbgesetz).

Bismarck voulait cette arme nouvelle ; il la voulait sans délai : « On ne paie pas ses ennemis, » déclarait-il, et l’encyclique de Pie IX avait une fois de plus prouvé que l’Église était hostile à l’État. Les évêques en appelaient à Guillaume : De cette loi, lui écrivaient-ils, résulteront d’indicibles deuils et des bouleversemens. C’est votre faute, — leur répondait en substance l’Empereur ; vous aviez vous-mêmes, au Concile, prévu de pareils malheurs, et si vous aviez fermement maintenu vos convictions