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pour leur appareil d’intimidation. « Afin de remplir le devoir de notre charge, proclamait-il, nous expliquons solennellement à tous les intéressés et à tout l’Univers chrétien que ces lois sont nulles, parce qu’elles contrecarrent absolument la constitution divine de l’Église. »

Le verdict était sans appel, la chrétienté tout entière était prise à témoin des méfaits de la Prusse. La main du Pape planait longuement sur cette Prusse coupable, pour y bénir évêques et fidèles, et pour y frapper d’excommunication ceux qui oseraient, avec l’appui de l’État, s’immiscer dans les charges vacantes de l’Église. Au demeurant, Pie IX rappelait que les catholiques gardaient conscience de leurs devoirs envers l’Etat, qu’ils rendaient à César ce qui était à César, et qu’ils payaient l’impôt. « Bonne plaisanterie ! » répliquait la Gazette de Cologne ; elle trouvait tout à la fois « tragique et comique, » douloureux et burlesque, ce « pauvre aliéné » qui « jouait au « Dalaï-Lama, » qui se figurait être « le roi des rois, » et qui autorisait les Prussiens à solder ponctuellement leurs contributions, C’était, en vérité, grand dommage qu’il ne possédât plus Civita-Vecchia : « quelques soldats allemands fussent allés l’y chercher et l’eussent ramené à Wilhelmshöhe ou à Stettin ; » prisonnier de guerre, il méditerait tout à son aise sur la valeur des lois. Au dire des Grenzboten, il fallait remonter jusqu’à Grégoire VII pour trouver sous une plume papale des grossièretés semblables, et la Correspondance provinciale accusait Pie IX d’excitations révolutionnaires menaçantes pour toutes les puissances temporelles. Ainsi se vengeait par des sarcasmes l’impuissance de la politique bismarckienne.

On avait, en 1873, légiféré pour les deux Églises, et fixé comment, dans l’une et dans l’autre, les ministres du culte devaient être formés, comment ensuite ils devaient être nommés : l’Eglise protestante, encadrée, de par son essence, dans l’organisme de l’État prussien, avait accepté ces lois, d’ailleurs sans enthousiasme ; l’Église catholique les avait systématiquement ignorées. On avait, en 1874, en présence de cette résistance, légiféré pour l’Église catholique seule, et déterminé les règles qui devraient présider au gouvernement des diocèses lorsque les évêques, toujours rebelles aux lois de 1873, apparaîtraient à l’État comme dignes d’être déposés : l’Église catholique, derechef, avait systématiquement ignoré cette loi.