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morale, qui est la même dans toutes les religions, doit peut-être suffire à l’instituteur laïque ; mais il faut bien avouer qu’il y a là une lacune et une faiblesse dans l’enseignement qu’il donne et qui est le seul qu’il puisse donner. C’est d’ailleurs pour ce motif que nous sommes partisans de la liberté de l’enseignement : les parens doivent pouvoir faire donner à leurs enfans celui qu’ils préfèrent et qu’ils ont le droit de préférer.

On a beaucoup parlé de renseignement laïque dans cette discussion. Le ministre de l’Instruction publique, M. Maurice Faure, y a mis beaucoup de chaleur oratoire, en quoi il était dans son rôle : mais il a de beaucoup dépassé la mesure dont nous invoquions plus haut la nécessité, lorsqu’il a appuyé et fait voter une motion dont l’objet était d’encourager les instituteurs, s’ils voulaient rester de bons républicains, à maintenir dans leur classe les livres condamnés, par les évêques. Il l’a dépassée aussi lorsqu’il a parlé de la défense de l’enseignement laïque, comme si cet enseignement était vraiment en danger et s’il fallait se porter à son secours. Jamais il n’a été moins menacé qu’aujourd’hui ; jamais il n’a été donné à un plus grand nombre d’enfans ; jamais son avenir n’a été mieux assuré. Néanmoins, on s’est alarmé pour lui et l’initiative gouvernementale d’une part, l’initiative parlementaire de l’autre, se sont ingéniées à qui mieux mieux pour trouver des textes en vue de le protéger. La dernière proposition est due à M. Bouffandeau, qui l’a présentée à la Commission de l’enseignement et fait accepter par elle : l’objet en est de substituer des commissions cantonales aux commissions communales pour veiller à l’exécution des lois sur l’enseignement obligatoire, et de faire entrer des représentons des familles dans ces commissions. A cela rien à reprendre ; au contraire, la représentation des pères de famille est chose excellente : mais il faudrait trouver pour le choix des délégués un mode d’élection qui ne serait pas, comme dans la proposition de M. Bouffandeau, une simple nomination par l’autorité universitaire. La Commission serait présidée par le juge de paix, ce qui est assez naturel, puisqu’elle prononcerait des peines de simple police pour des contraventions qui restent à définir exactement. La principale serait la non-fréquentation de l’école par l’enfant : elle serait imputable au père, c’est lui qui serait puni. Évidemment tout cela appelle des réserves ; un pareil projet a besoin d’être examiné de très près. Nous ne l’attaquons cependant pas dans son principe ; mais il devient sujet à caution, lorsqu’il vise les personnes qui, sans être investies elles-mêmes