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avec une lenteur sans précédent. Beaucoup de députés nouveaux se croient pleins d’idées nouvelles et tiennent à en faire part à leurs collègues. Nous n’en sommes encore qu’aux dépenses ; après les avoir votées, il faudra en venir aux recettes, c’est-à-dire aux questions d’impôts ; ce sont celles qui passionnent le plus le pays. Lorsqu’il ne s’agit que des dépenses, on est volontiers généreux ; mais quand il faut les payer, on l’est moins, ou chacun ne l’est que de l’argent des autres. La discussion de la loi de finance pourrait donc bien être interminable, d’autant plus qu’on propose d’y annexer toutes sortes de choses qui n’ont aucun rapport avec le budget. Aussi le bruit commence-t-il à courir, et plusieurs journaux l’ont recueilli, ou accueilli, qu’après avoir fait un aussi grand effort, la Chambre renoncerait à le recommencer l’année prochaine : elle déciderait que le budget des dépenses serait voté pour deux ans. On a déjà parlé quelquefois de cette réforme, sans s’y arrêter : elle présenterait des avantages. En Angleterre, certaines dépenses ne sont pas l’objet d’une discussion annuelle : on les considère comme permanentes. Il est évident que si, chez nous, la Chambre prend l’habitude de consacrer six mois au budget, elle n’aura plus de temps pour d’autres discussions : peut-être pourrions-nous nous en consoler, mais la Chambre le ferait-elle aussi facilement que nous ?

Cette sempiternelle discussion du budget est-elle du moins intéressante ? Elle l’est médiocrement, et si la Chambre s’y applique avec une grande ardeur de bavardage, le pays, en revanche, ne la suit que d’une oreille distraite. L’opinion a quelque peu l’air de s’en désintéresser ; elle s’étonne pourtant de ne pas encore avoir de budget à la fin de février, avec la perspective de n’en avoir pas davantage à la fin de mars : demain elle s’en irritera. Seule jusqu’ici, la discussion du budget de l’Instruction publique a, par momens, réveillé l’attention, parce qu’elle a soulevé quelques-unes des questions les plus importantes pour l’avenir du pays ; il se demande quelles sortes de générations on lui prépare ; il ne peut pas y rester indifférent. Mais les questions posées ont été traitées d’une manière très superficielle, sans rien faire jaillir d’original. La Chambre a entendu un instituteur primaire, devenu député, M. Raffin-Dugens, qui a parlé à ses collègues comme il parlait autrefois à ses élèves, avec plus de longueur cependant qu’on n’en donne, depuis les dernières réformes, aux heures de classe. M. Raffin-Dugens a dit parfois d’assez bonnes choses, mais il en a laissé échapper quelques autres qui l’étaient moins. M. Raffin-Dugens croit au Beau, au Bien et au Vrai, et il considère que